13 oct. 2018

Trois idées neuves pour l’entreprise européenne du XXIe siècle

Un certain nombre de députés et d'universitaires* ont signé une tribune parue dans Alternatives économiques qui avance trois idées neuves pour l'entreprise européenne du 21ème siècle. L'un d'entre eux en a informé les militants de Cesson-Sévigné qui ont accompagné la campagne des municipales de 2014 de Michel Bihan, maire sortant. Il a lancé le débat sur la reconnaissance de la contribution du travail aux ressources de l'entreprise, question clef pour l'entreprise du 21ème siècle.

Les signataires appellent redéfinir l'entreprise. Je partage et soutiens.

La tribune publiée
Réaliser une réforme du code civil qui permette de gérer une société conformément à l’intérêt de l’entreprise tout en tenant compte des conséquences économiques, sociales et environnementales de son activité.
La société d'actionnaires ne reconnaît pas la contribution au capital du collectif de travail. En effet, le collectif de travail investit pourtant en moyenne un tiers de la valeur ajoutée qu’il produit pour réparer les actifs (amortissements), rembourser l’avance sur profit des banques, payer l’impôt sur les sociétés et dégage le bénéfice. Elle s'attribue un bien commun largement produit par le collectif de travail.

L'entreprise redéfinie ne saurait venir d'une réforme de la société dans le code civil.

La loi PACTE ne porte même pas ses objectifs déclarés, sauf à penser qu'il suffise de simplifier des démarches administratives pour faciliter la vie des entreprises et favoriser la croissance des PME. Patrick Artus explique très bien ce qui bloque la croissance des PME françaises: les entreprises en croissance disparaissent lors de leur achat par les grands groupes.


C'est bien le poids de la propriété sur l'entreprise qui conduit à la disparition des PME les plus prometteuses, leur dilution dans le groupe acheteur.

Les signataires de la tribune saisissent le débat sur la loi PACTE pour avancer trois leviers sensés donner à l’entreprise sa pleine capacité à contribuer à une visée éthique partagée.
Levier n°1 - La "suprématie actionnariale" a contribué à la déformation du partage de la valeur ajoutée au profit des actionnaires. Cette fragilisation économique et les réformes législatives qui tendent à réduire les protections individuelles et collectives des salariés fragilisent leur capacité des salariés à influer sur le comportement et le gouvernement des entreprises. Il faut renforcer la présence des salariés dans les conseils d’administration et les conseils de surveillance.
Non, depuis le milieu des années 1980, la part des salaires dans la valeur ajoutée s’est stabilisée aux deux tiers (voir rapport Cotis). C'est l'absence de statut de l'entreprise qui prive les salariés de leur droit de propriété d'usage sur l'entreprise.

Les conseils d'administration et de surveillance sont des objets de la société d’actionnaires. Pour assurer la mise en place d'une "codétermination à la française" il faut créer un statut de l’entreprise qui dispose d’un conseil d’entreprise où seraient représentés la société d’actionnaires (SA) et le collectif de travail (CT) en fonction de leur contribution aux ressources (en moyenne 1/3 pour la SA et 2/3 pour le CT).
Levier n°2 - Renforcer la transparence et l'encadrement des rémunérations pour instaurer un meilleur partage de la valeur dans l’entreprise.
Dans la comptabilité des entreprises, deux comptes produisent des revenus personnels : les salaires pris sur la valeur ajoutée, les dividendes et primes pris sur le bénéfice.

Pour la valeur ajoutée en instituant un revenu universel de 1800€ mensuel, une allocation enfant de 500€ mensuel, une rémunération de cinq niveaux de qualification différenciée de 20% entre niveaux adjacents et une carrière pleine qui double le salaire initial et un taux de remplacement de 100% du dernier salaire par la pension, les 2/3 du PIB produisent un écart de 2198€ à 5970€ mensuel (Voir sur Condate).

Pour le bénéfice, son partage en trois permet :
  • de conforter les ressources de l’entreprise (mis en ressource),
  • de gratifier les salariés pour des fonctions et des situations de travail particulières, pour la responsabilité qu’ils assumer et pour l’engagement dont ils font preuve avec des primes et
  • de rémunérer les actionnaires pour leur investissement avec des dividendes.
Levier n°3 - Créer un label public pour la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises.
La comptabilité globale de l'entreprise doit être publique sous forme anonymisée pour une utilisation citoyenne. L'expérience de la base de donnée de l'accord national interprofessionnel (ANI) sur la compétitivité et la sécurisation de l'emploi de janvier 2013 et la LOI n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi qui le prend en compte montre bien que pour obtenir quelque chose il faut le rendre obligatoire et précisément défini.

Le débat
Réponse d'un signataire - Commentaires très riches. Je retiendrais une convergence d'intention pour instaurer une " codétermination à la française" avec des nuances dans la mise en oeuvre pratique de cet objectif.
Convergence d'intention, mais plus que nuances dans la mise en oeuvre: vous souhaitez laisser tout le pouvoir à la société d'actionnaires, je milite pour reconnaître pleinement la contribution du collectif de travail aux ressources de l'entreprise. C'est en disant que la manière ne compte pas et que c'est l'intention qui compte - la social-démocratie est de gauche - qu'on finit par faire une politique de droite - mandature présidentielle de François Hollande.

Il est vrai qu'il faut que c'est la convergence d'intention qui  doit assurer que l'on débatte toujours, il y a toujours eu un débat à gauche. Mais il faut autant s'interdire de se traiter de populiste que de traître, chacune se reconnaîtra. Plus que des nuances nous sépare à gauche, mais il faut laisser le débat prospérer et les gens de gauche choisir.

Je milite pour réaliser notre intention dès la distribution primaire contre une redistribution fiscale qui évolue toujours vers une redistribution de plus en plus compliquée et, au final, de plus en plus contre-productive: la redistribution coûte toujours un pognon de dingue, l'aide aux entreprise alimente toujours de plus en plus la fortune personnelle.
---
* Les signataires de la tribune: Dominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle, Boris Vallaud, député des Landes, Marie-Noëlle Battistel, députée de l’Isère, Régis Juanico, député de la Loire, Christophe Clerc, avocat chez Descartes Legal et enseignant à Sciences Po, Olivier Favereau, professeur émérite de sciences économiques, université Paris-Nanterre, Aurélia Andreu, directrice ressources humaines de Neos-SDI, Florian Bercault, président d’Estimeo, Philippe Nou, consultant chez cabinet Ethix, Philippe Segretain, ancien président de Transdev Michèle Royer, documentaliste / KM Ghislain Le Ray, chargé d’enseignement en économie à l’université de Rennes 2, Francis Raugel, ancien cadre dirigeant d’entreprise