Le moins que l'on puisse dire sur notre société, c'est qu'elle ne parvient pas à offrir le niveau d'abondance qu'elle produit à chacun de ses membres. En 2022, en France métropolitaine, le taux de pauvreté monétaire avant redistribution s'élevait à 21,2 %. Après la prise en compte des impôts directs et des prestations sociales (comme les allocations familiales, les aides au logement, les minima sociaux et la prime d’activité), ce taux diminuait à 14,4 %. Ainsi, le système redistributif français permet de réduire la pauvreté monétaire de 6,8 points de pourcentage, soit une baisse relative d'environ un tiers. Mais la redistribution est de moins en moins acceptée.
Malgré un soutien majoritaire en France, pour son impact de réduction des inégalités reposant sur un sentiment répandu d'injustice sociale, surtout parmi les ménages modestes, la redistribution est perçue comme excessive ou mal ciblée au sein des classes moyennes supérieures et aisées et même trop concentrée sur ceux "qui ne travaillent pas" au sein de la classe moyenne.
Vue comme une nécessité sociale à gauche, la redistribution est critiquée à droite et à l'extrême droite comme décourageant le travail et favorisant l'inactivité. Si le paiement des impôts et des taxes est jugé justifié par 51% des Français selon l'Institut Montaigne, le niveau et la répartition des prélèvements est jugé négativement selon la Cour des comptes. Le système de redistribution français perd de la légitimité au fur et à mesure que la gauche perd son poids électoral et que l'extrême droite dressée contre l'assistanat gagne la bienveillance de la droite.
L'aide aux entreprises
Nécessaire selon le Medef, les aides aux entreprises sont très importantes pour le budget de l'Etat et apparaissent comme une drogue dont le système économique ne peut plus se passer et en 2022.
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Aides publiques aux entreprises en France – 2022 |
Elles ne cessent de croître.
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Évolution des exonérations sur plusieurs années (URSSAF) |
Et la dette publique ne cesse de suivre le même chemin ! Le gouvernement intègre la protection sociale dans ses charges. Or, en France, la protection sociale est à la charge des cotisants à la Sécurité sociale et elle n'est devenue une charge de l'Etat que pour aider les entreprises par la diminution des salaires au travers des exonérations imposées depuis les années 1990.
Soulager l'Etat des aides aux entreprises.
Actuellement, l'Etat impose une baisse des salaires avec les exonérations de cotisations sociales. En effet, la masse salariale française qui représente 2/3 de la valeur ajoutée selon le rapport Cotis comprend tous les salaires nets et les cotisations sociales, qu'elles soient salariales comme patronales. Et 80 Md€ par an cela pèse sur le budget de l'Etat !
L'Association pour une Loi de Sécurité Économique et Sociale permet de mutualiser une partie des salaires versés par les entreprises grâce à une cotisation sur la valeur ajoutée qui permet de distribuer une allocation proportionnelle à l'emploi. Il suffit de prévoir un niveau de cotisation suffisant pour remplacer les aides dont bénéficient les entreprises qui en ont besoin, l'aide est fléchée sur l'emploi.
La Sécurité Economique et Sociale permet de se passer des exonérations sociales et les salariés cotisent ce qu'il faut pour financer les besoins sociaux et répondre aux besoins sociaux en matière de chômage, de santé, de retraite et d'autonomie, la santé au travail étant de la responsabilité des entreprises.
Les leçons du rapport Cotis (2009) et des études menées autour à l'INSEE
Le rapport Cotis a montré qu'après une baisse de la part des salaires à la fin des trente glorieuses de rattrapage d'après guerre, la répartition entre salaires-profits s'est stabilisé à 2/3-1/3 - Jean-Hervé Lorenzi et Alain Villemeur parlent de Partage vertueux entre salaires et profits.
Par contre, nous savons que la distribution des salaires est totalement (et même de plus en plus) inégalitaire et que le salaire net médian des Français est inférieur à 2 100 € par mois. Et une étude de l'INSEE, nous apprend que la distribution des profits est aussi très inégalitaire : Si la moyenne s’établit à 33 % en 2006, dans la moitié des entreprises elle est inférieure à 27 %, et pour un quart des entreprises elle est supérieure à 66 % (les grandes entreprises et le secteur des services immobiliers).
Le problème du capitalisme, c'est son succès.
Le capitalisme a réussi à produire suffisamment de richesse en s'adaptant constamment aux situations produites par lui-même (innovations) et aux conditions de vie de chaque époque. Mais il produit une aristocratie de plus en plus fermée sur elle-même (65% du patrimoine est hérité aujourd'hui) et de plus en plus puissante qu'elle est en capacité de remplacer la démocratie par une ploutocratie violente et de soumettre le monde à un petit nombre d'empires qui se font plus ou moins la guerre au lieu de poursuivre une gouvernance internationale de coopération.
Dans le modèle de société capitaliste, les "investisseurs" disposent du profit (valeur ajouté - salaires) réalisé par le collectif de travail grâce aux outils de production qu'ils ont réuni. Les "investisseurs" mettent en concurrence les "travailleurs" sur un marché de l'emploi qui leur permet de fixer les salaires et disposent des fruits de la production. Ce modèle produit une dépendance des citoyens qui travaillent et produisent l'abondance à la société envers cette élite des "investisseurs". La liberté visée par le projet républicain suppose un modèle de société qui empêche l'apparition de dépendance entre les citoyens.
Comme dans la société renversée par la Révolution française, nombreux sont les membres de l'élite qui vivent mal, l'INSEE nous apprend que les revenus les plus bas des indépendants sont plus bas que ceux des salariés. Il faut attendre le septième décile pour que les indépendants disposent d'un revenu supérieur, 75% des indépendants sont dans cette situation.
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Revenus nets Salariés vs Indépendants (2018) |
Le décile n°10 cache des situations très diverses, dans le centile 99 en particulier, salariés et indépendants recevant à la fois salaire et "revenus mixtes". Deux problèmes doivent être traités :
- 75% des citoyens, qu'ils soient salariés ou indépendants ont un revenu net de moins de 2500 € environ et en retirent beaucoup de frustration dont profite souvent l'extrême-droite, allié objectif de la droite riche aux tendances ploutocratiques ;
- 1% des citoyens ont la capacité aux tendances ploutocratiques et manifestent aujourd'hui leur volonté de domination sur le monde.
Le modèle capitaliste a montré sa capacité d'apporter l'abondance nécessaire à la société toute entière, mais la minorité la plus bénéficiaire prend un tel pouvoir qu'elle est capable de réduire la part d'abondance de la majorité d'entre-nous et d'imposer sur le monde un régime ploutocratique.
Le modèle capitaliste n'est pas républicain.
Les actionnaires (les indépendants) réunissent un capital qu'ils confient à la société (d'actionnaires) qu'ils constituent ensemble. Les ressources de la société d'actionnaires sont complétées avec des prêts obtenus auprès des banques, elles servent à acheter les outils de production nécessaire à l'économie du système : la société d'actionnaire dispose d'un statut juridique qui lui donne la qualité de personne morale et lui permet de passer contrats avec ses fournisseurs, ses salariés et ses clients. La société d'actionnaires paie ses fournisseurs à partir du chiffre d'affaire apporté par ses clients et distribue les salaires qu'elle a négocié avec chacun d'eux ; la différence entre le chiffre d'affaire et le coût des fournisseurs et des salariés, quand elle est positive, produit un bénéfice dont l'usage est à la main de la société d'actionnaires.
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Seule partie constituante, la société d'actionnaires s'attribue décisions et bénéfices. |
La société d'actionnaires (personne morale) est la seule partie constituante de l'entreprise qui, elle, n'a pas d'existence juridique. Le projet républicain vise à garantir la liberté à chaque citoyen. Pour cela, la société doit éliminer toute domination entre les citoyens. Or l'emploi met le salarié en subordination de son employeur. Soumis à la concurrence avec ses concitoyens qui recherchent le même emploi, le salarié est pris dans une négociation léonine.
Le modèle Condate remplace la subordination à un employeur par la coopération avec les actionnaires.
Condate est le premier nom des villes situées sur un confluent de deux rivières (Lyon, Rennes). C'est le nom des modèles de société issus de la Révolution française : les démocraties libérales. Le modèle capitaliste est le produit d'une première mise en œuvre de la République. Cette mise en œuvre n'assure pas l'absence de domination au sein de la société. Il faut passer au modèle Condate au confluent du capitalisme et du socialisme dans lequel les travailleurs sont émancipés de leur dépendance à l'employeur et les décisions de l'entreprise sont prises en fonction de l'apport en capital des parties constituantes de l'entreprise : la société d'actionnaires et le collectif de travail.
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Toutes deux parties constituantes, société d'actionnaires et collectif de travail partagent la gouvernance de l'entreprise et le bénéfice après report à nouveau selon leur part dans les fonds propres. |
Le modèle Condate donne une existence au collectif de travail et à l'entreprise constituée par la société d'actionnaires (SA) et le collectif de travail (CT). L'apport en capital de la SA est constitué du capital social (K) effectif et celui du CT est constitué par l'ensemble des reports à nouveau (RN) mis en fonds propres. Le rapport de coopération entre les parties constituantes est donc de K% pour la SA et 1-K% pour le CT. Ce rapport de coopération est réévalué à chaque augmentation de capital (ou rachat d'actions) et après chaque exercice.
Avec le modèle d'entreprise Condate, la subordination des salariés envers la société d'actionnaire est remplacée par leur coopération au sein du collectif de travail. Mais la domination sur le citoyen ne disparaît pas pour autant si son revenu est entièrement conditionné par un emploi indépendant comme salarié.
Le travail n'est pas l'emploi.
Selon le capitalisme, il n'y a pas de travail sans emploi, et la valeur travail mise en avant, surtout depuis la campagne Sarkozy de 2007, c'est celle de "la France qui se lève tôt". Pour être digne de mériter la valeur travail, il faut accepter de se lever tôt, de souffrir sans rechigner et d'endurer les mauvaises conditions de travail et les salaires qui n'alourdissent pas les coûts du travail : accepter le travail torture, seule dimension d'un travail-marchandise qui met chacun en concurrence de tous les autres.
Les initiatives gouvernementales instrumentalisent encore aujourd'hui cette vision appauvrie du travail qui renforce la domination.
France Culture - Le journal de l'éco du 26 décembre 2023
Au contraire, Marie-France Dujarier donne trois dimensions au travail : expérience, produit et reconnaissance. Et si on donnait la qualité de travail à l'activité de formation, de bénévole œuvrant au sein d'une association, de militant politique ou syndical et non plus seulement à l'emploi salarié ou indépendant ? Et si toutes ces situations donnaient lieu à la reconnaissance d'un salaire sur toute la durée de sa vie distribuant la richesse créée (le PIB) non plus seulement selon la valeur marché de sa production, mais d'abord selon sa qualification et son expérience ? Cela permettrait à chacun d'accéder à l'abondance de la société et n'empêcherait pas d'être gratifié au mérite sur le bénéfice réalisé par l'unité productive dans laquelle il œuvre en tant qu'actionnaire (dividendes) ou salarié (primes).
L'accès de chacun à l'abondance de la société
En 2024, la France (68 Mha au 1er janvier 2025) a produit 2 917 Md€. Avec une répartition 2/3-1/3 entre salaires et profits, 1 945 Md€ sont distribuables au 53 M d'adultes. Le pays y gagne en compétitivité, puisque la plupart des unités voit son profit augmenter à 1/3.
La France est un pays riche et, dans la "compétition internationale", son avantage concurrentiel, c'est le haut de gamme, pas le low-cost.
Il faut donc encourager la qualification de chacun dans tous les domaines en reconnaissant cinq niveaux de qualification du niveau N1 au niveau N5 acquis grâce à la formation initiale, la formation continue ou la validation des acquis de l'expérience. Un grand ministère de l'éducation national fixe, avec les professionnels, les compétences à démontrer pour valider un niveau de qualification.
Dans le travail, chacun est producteur de produit ou service (la dimension produit) mais aussi d'expérience et d'enrichissement pour lui-même. C'est une dimension qui contribue aussi à une France haut de gamme. Il faut encourager l'expérience.
La distribution des salaires d'une répartition Condate reconnaît un salaire initial à chaque niveau de qualification 20% plus élevé que celui du niveau inférieur et garantit un doublement du salaire initial pour une carrière complète de 18 à 60 ans. A partir de 60 ans, que l'on travaille ou non, on touche 75% de son dernier salaire.
La distribution des salaires en 2023 (1 945 Ma€) aurait été la suivante :
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Salaires 2024 sans minimum d'accès à l'abondance |
En 2022, la CGT revendiquait un SMIC à 2 000,00 € brut. En tenant compte de l'inflation, cela donne 2 207,00 € en 2024. En remplaçant tous les salaires inférieurs à cette valeur par cette valeur, on obtient la distribution suivante:
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Salaires 2024 avec un salaire minimum d'accès à l'abondance de 2 207,00 € |
Il s'agit d'un redistribution nécessaire à cause d'une abondance insuffisante par rapport à la population sous forme d'allocation-cotisations :
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Cotisations-allocations de redistribution |
L'accès aux gratifications
L'activité déployée par le collectif de travail (le travail collectif pour développer des stratégies d'expérience) produit un bénéfice dont un tiers est mis dans les fonds propres et deux tiers distribués en gratifications aux actionnaires (dividendes) et aux salariés (primes).
Le financement de la santé et de l'Etat
La santé est le seul risque qu'il reste à couvrir. Cette couverture peut porter sur tout le PIB avec une cotisation sur les salaires et sur les profits à la hauteur des dépenses ou sur les salaires seuls. La première option considère que les unités de production doivent contribuer à la santé des salariés. Les accidents et maladies professionnels sont de toute façon à la charge des unités de production.
L'Etat est financé par les impôts. Si les statuts du collectif de travail et de l'entreprise à gouvernance partagée sont mis en œuvre, dans le modèle Condate seules les personnes physiques paient l'impôt unique assis sur les revenus (salaires et gratifications) - l'augmentation des fonds propres n'est pas taxée.
Un projet politique pour la poursuite du projet républicain
Liberté, Égalité, Fraternité, pour garantir la liberté à chacun, il faut éradiquer toute cause de domination dans la société, donc abolir le modèle capitaliste parce qu'il met en domination tous les citoyens qui n'ont que leur travail pour richesse. Dans ce modèle, les citoyens n'ont d'autre alternative que d'accepter la servitude pour avoir accès aux ressources nécessaires pour vivre et faire vivre leur famille. Et la moitié d'entre eux ne peuvent accéder à l'abondance de la société.
Liberté, Égalité, Fraternité, le modèle Condate fait entrer la République dans les unités de production avec le statut juridique du collectif de travail et le statut juridique de l'entreprise à gouvernance partagée (EGP). Le modèle Condate égalise le taux de marge des unités de production et améliore ainsi la compétitivité de la plupart des unités de production, donc celle du tissu production. La distribution Condate des salaires avec minimum de salaire donne accès à l'abondance de la société à chacun de ses membres.
Liberté, Égalité, Fraternité, la santé est financée par une cotisation sur les salaires seuls ou sur la valeur ajoutée toute entière (si l'on considère que les unités de production doivent contribuer) pour assurer les dépenses sans "alourdir le trou de la Sécu".
Liberté, Égalité, Fraternité, l'impôt sur les revenus des personnes physiques est le seul impôt qui alimente les recettes de l'Etat pour lui permettre de financer ses dépenses de façon à ce que l'Etat recentré sur ses missions dispose d'un budget sans déficit.
Liberté, Égalité, Fraternité, le projet républicain, comme l'Histoire Humaine, n'est pas achevé. Il doit intégrer la Fraternité universelle avec un accueil des migrants à la hauteur de leurs rêves et surtout, la réparation et l'entretien de notre Terre.