Regards (12 mai 2025) - La publication de l’ouvrage La Meute exposant le fonctionnement a-démocratique et autoritaire de LFI a provoqué des réactions en défense de ces pratiques. Roger Martelli passe au peigne fin tout ça point par point.
Dans un long billet de blog publié le 7 mai dernier, dans le Club de Médiapart, l’historien et politologue Samuel Hayat réagit aux polémiques déclenchées autour de La France insoumise, de son fonctionnement et de sa figure de proue charismatique, Jean-Luc Mélenchon.
Sa thèse, sereinement argumentée, tourne autour d’une idée simple : le fonctionnement de LFI, jusque dans ses outrances les plus caricaturales, est parfaitement cohérent avec sa visée, qui est de bousculer le système politique en remportant l’élection la plus structurante dans ce système, à savoir l’élection présidentielle. Le mérite du « mouvement gazeux » doté d’une « clé de voûte » est de combiner la fluidité du réseau numérique, l’unité de pensée qui l’alimente, la discipline parfaite du groupe restreint qui entoure ladite « clé de voûte » et l’entretien de la « communauté charismatique » qui promeut la figure centrale d’un chef de mouvement dont on souhaite qu’il devienne un jour le chef de l’État.
Samuel Hayat reconnaît que l’efficacité de la mécanique LFI a ses « dommages collatéraux », comme toute guerre peut en avoir : la machine à produire de l’unité est aussi une machine à écarter. Mais c’est elle qui aurait propulsé Jean-Luc Mélenchon aux portes du second tour qui, dans une société politique éclatée, permet à une force minoritaire, même répulsive, de l’emporter face à une candidature plus répulsive qu’elle. En bref, la fin justifie les moyens et on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs…
La force de Lénine, au tout début du 20ème siècle, fut de se couler dans la structure naissante du parti politique pour en faire une machine centralisée, composée de « révolutionnaires professionnels » acceptant une « discipline de fer » – en 1920, la douzième condition d’adhésion à l’Internationale communiste dira d’elle qu’elle « confine à la discipline militaire » –, ambitionnant d’être une avant-garde fournisseuse de conscience populaire et n’acceptant pas d’autre morale que celle de l’impératif révolutionnaire. La force de Mélenchon, suggère Samuel Hayat, est d’avoir adapté le modèle bolchevique initial, en tirant les leçons de la crise des partis politiques traditionnels, pour faire de l’organisation gazeuse et disciplinée un instrument de la nouvelle guerre communicationnelle.
Dès lors, la messe semble dite : qui ne voit pas que la dynamique créée par Jean-Luc Mélenchon et LFI a révolutionné la gauche française, malgré ses défauts ou peut-être grâce à ces défauts, court le risque au mieux de prêcher dans le désert, au pire de hurler avec les loups. Je ne suis pas d’accord avec cette façon de voir. Et pourtant, je suis convaincu que Jean-Luc Mélenchon est une personnalité de premier plan de la gauche française, dont La France insoumise est une composante à part entière…