La course à la croissance épuise les travailleurs.
Des rapports officiels prennent la mesure des des effets de l'organisation du travail sur la santé mentale. Pourquoi si tard ? Rappelons-nous combien d'années les ouvriers frappés par les méfais de l'amiante ont dû lutter pour faire reconnaître leur maladie comme maladie professionnelle. La reconnaissance des liens entre symptômes de mal-être et conditions de travail souffre d'un double déni :
- Les employeurs n'admettent pas que leurs pratiques managériales (management par objectif, puissent causer une souffrance ;avancement au mérite, évaluation individuelle des performances) ; elles exigent pourtant une mobilisation subjective accrue !
- Les travailleurs intériorisent cette exigence du toujours plus, de la performance maximale et ne veulent pas apparaître comme défaillants.
La dépression survient quand le moi n'est plus à la hauteur des exigences de l'idéal du mot est une hypothèse très forte que l'on doit à Freud. Au lieu de rabaisser ses exigences professionnelles, le travailleur se dévalorise et son moi s'écroule.
Le management cherche à capter l'idéal du moi de chaque travailleur pour le mettre au service de l'entreprise. Il dispose des primes, des promotions et des évaluations pour encourager l'intériorisation des exigences de l'entreprise. La réussite professionnelle est liée à celle de l'entreprise. Être satisfaisant ne suffit pas, il faut être au moins au-delà des attentes sinon hors du commun : toujours meilleur, toujours en progrès, la croissance permanente.
Cet idéal de moi met chacun en compétition avec les autres.
La destruction créative (Schumpeter) produite par le progrès technique et l'innovation est sensée constituer le fondement et le ressort de l'économie. Le management par la recherche de solution ("il n'y a pas de problème, il n'y a que des solutions") et par une logique purement instrumentale n'a pas d'avenir. Il institue une création destructrice permanente.
Le système exige de mettre en question ce qui semble aller de soi, mais il oblige à rester dans le cadre fixé, à ne pas remettre en question les orientations économiques. Pris dans cette contradiction, on ne peut s'en sortir seul, mais seulement en menant une réflexion collective.
Le Wall Street management tue.
Quinze ans après la vague de suicides à France Télécom, syndicats et salariés alertent sur une nouvelle crise qui serait en cours à Orange. Quelle réalité pour les ingés-cadres-techs des télécoms et d’autres secteurs ? Burn-out, stress, perte de sens au travail : quels types de mécaniques conduisent une personne sur la pente de l’acte fatal ? Quels liens avec l’organisation du travail ? De quels outils se saisir individuellement et collectivement ?
UGICT-CGT - La chaîne YouTube - Souffrance au travail : quand le « Wall Street management » tue
Clément Ollivier reçoit Marie Pezé, docteur en psychologie, spécialiste de la souffrance au travail et ancienne experte judiciaire, Sophie Labrune, secrétaire générale de l’Union fédérale des cadres CGT des activités postales et de télécommunications (UFC-CGT FAPT), et Christophe Cariou, représentant syndical CGT à Orange et élu CSE. Mobiliser pour la santé au travail !
Marie Pezé, Sophie Labrune et Christophe Labrune terminent leur entretien par un petit débat qui montre l'intérêt de la diversité des réponses et des points de vue :
- l'accompagnement des individus et des stratégies individuelles du spécialiste de la souffrance au travail (Souffrance et Travail),
- la contestation de l'organisation du travail et l'instauration d'un management soucieux de la santé au travail de l'organisation syndicale (CGT).
Servitude volontaire, travail et émancipation
« Travailler ce n'est pas seulement produire, c'est aussi se transformer soi-même ». [C. Dejours]
La démocratie n’est pas seulement une théorie du gouvernement des êtres humains. Elle est d’abord et avant tout une pratique. Et comme toute pratique elle n’est pas innée, il faut la recevoir, l’apprendre et la transmettre. Le travail vivant est d’abord une pratique requérant l’implication subjective de l’individu. Mais elle passe aussi par la formation d’un collectif uni par la référence à des règles de travail qu’il construit et réajuste inlassablement en fonction de l’évolution du contexte de la production. L’ouvrage s’efforce de montrer que cette activité de production de règles de travail et de métier serait au principe de la formation de la coopération et de la pratique de la démocratie in statu nascendi.
Librairie Vrin - Christophe Dejours - Pratique de la démocratie