29 mai 2019

Politique industrielle

La politique industrielle de Macron est en train de faire deux victimes dans le système industriel français: "Renault, General Electric, révélateurs d'un état défaillant" (Journal l'Humanité du 29 mai 2019). "L'Etat doit agir pour préserver l'outil industriel" affirme Fabien Roussel dans le même numéro du journal.

Bien sûr, invoquer Macron à l'origine de cette politique est un abus. En fait, il poursuit une politique de laisser-faire largement mise en oeuvre depuis les années 1980. Il fait le "boulot" au service des "grands propriétaires" qui jouent avec les entreprises sur le grand marché de la finance.

Le gros bénéficiaire de l'opération Renault-Fiat, c'est la famille Agnelli qui va empocher le prix de la fusion et voir sa participation monter à 20% des actions de la holding. D'autre part, la famille Agnelli va bénéficier des grandes manœuvres pour effacer son retard d'investissement dans Fiat. Si la CFDT Renault salue cette opération comme une opportunité pour l'entreprise et pour l'alliance Nissan-Renault, la CGT manifeste quelques inquiétudes.

Le désengagement de General Electric montre plus explicitement les dégâts que les marchés financiers font sur l'industrie. Là, Macron est plus directement engagé, il était ministre de l'économie lors de la vente de l'activité "turbines" d’Alstom et son conseiller de l'époque, Hugh Bailey, vient d'être nommé "General Manager GE France"."Le gouvernement sait depuis des mois que General Electric veut supprimer des emplois à Belfort (plus de 1 000 emplois en France), il a laissé faire à condition que l'annonce ait lieu après les Européennes pour ne pas que ça lui pète à la gueule" s'emporte Grégory Pastor, secrétaire CGT du comité européen du groupe.

Dans un entretien réalisé par Sylvie Ducatteau, Fabien Roussel propose, en urgence, nationaliser temporairement les entreprises stratégiques pour passer un creux dans un marché énergétique cyclique; à plus long terme, il propose de doter les industriels de l'accompagnement d'une banque pour investir, capable de prêter à taux zéro pour alléger les coûts financiers. Fabien Roussel prêche pour donner plus de pouvoir aux salariés, lanceurs d'alerte sans aucun poids dans les décisions face aux choix des actionnaires majoritaires qui peuvent être dévastateurs.

Le travail est la seule source de richesse. Sa valeur est ignorée. Il est toujours soumis aux aléas du marché de l'emploi qui multiplie les bas salaires (la moitié des salaires sont inférieurs à 1 800 € par mois) et les très hauts (la moyenne des 1% des plus hauts salaires gagnent près de 18 000 € par mois).

Les "réformateurs" (Balladur, Raffarin, Fillon, Jospin, Hollande, Macron, etc.) n'ont cessé de mettre en avant le "bien commun entreprise". Mais le profit est bien actuellement capté par les propriétaires de la société d'actionnaires, les salariés n'ont aucune prise dessus, alors qu'ils le produisent.

La société d'actionnaires apporte le capital social*, première pierre de la maison commune qu'est l'entreprise. Ce capital social est complété par une avance sur profit que les banques acceptent de faire quand elles perçoivent la viabilité du modèle économique. Au total, les ressources de l'entreprise (capital social et avances bancaires) sont utilisées pour construire les actifs (bâtiments, équipements, premières fournitures) qui permettront au collectif de travail de produire les salaires et les profits à chaque exercice.

En moyenne en France, le capital social représente moins d'un tiers des ressources, le reste est apporté par le collectif de travail au fil des exercices. Le capital social est rémunéré sur le bénéfice concurremment aux primes versées aux salariés selon leur fonction et leur engagement et à l'auto-financement (les trois tiers).

L'entreprise ne peut pas se réduire à la société d'actionnaires. L'entreprise est formée de ses parties constituantes: la société d'actionnaires et le collectif de travail. Le travail peut suivre ce modèle, l'artisan ou le commerçant siégeant à la fois comme représentant de la société d'actionnaire(s) et comme représentant du collectif de travail.

Au fur et à mesure de la croissance de l'entreprise, le poids de la société d'actionnaires diminue. En moyenne, la société d'actionnaire pèse moins d'un tiers. On peut parler de propriété d'usage pour le collectif de travail, seul le capital social peut changer de main. Cette architecture constituerait une grande protection contre les effets dévastateurs de la finance sur la vie des entreprises.

Pour donner plus de pouvoir aux salariés efficacement, il faut donner un statut distinct de la société d'actionnaires à l'entreprise.