30 mars 2022

Le travail

"Travail" est un terme ambigu dont le sens dépend de celui qui l'utilise. Pour le commun des mortels, c'est l'activité. Pour le commerçant, c'est le produit de l'activité. Dans le débat public, c'est l'emploi. Le fait de réduire le travail à l'emploi permet aux politiques de présenter la retraite en dehors du travail, de parler des retraités comme d'inactifs, de repousser l'âge légal de départ à la retraite, de désindexer les pensions des salaires et même du coût de la vie. Or nombreux sont les salariés les plus âgés qui voient dans la retraite l'arrêt de leur souffrance au travail.

Nous n'avons pas besoin d'une réforme systémique des retraites, mais bien d'une réforme systémique du travail qui rétribue la qualification et l'expérience et non plus la rareté sur un marché du travail qui fait du travail une marchandise. "Le travail n'est pas une marchandise" affirme le premier principe de la déclaration de Philadelphie à l'origine de l'OIT.

Tondre une pelouse, voilà une activité vue comme un loisir quand elle est exercée par un retraité sur sa propriété, une dépense lorsqu'elle exercée par un employé communal et un travail lorsqu'elle est exercée par l'ouvrier l'entreprise privée qui a obtenu le marché communal. Le bénéfice est pourtant le même pour la collectivité, la pelouse est entretenue.

Monsieur fait une grande carrière internationale, quelques années à New-York, quelques années à Moscou, ou à Tokyo. Pourtant monsieur a une famille et madame a dû interrompre une grande carrière pour permettre à la famille de suivre monsieur. Madame est inactive? Allons.

Si tous les concurrents participant à l'élection présidentielle prônent la soumission du travail à l'emploi, les Insoumis, les Communistes et les Verts comme tous les petits partis de gauche (socialistes, radicaux, GRS, MDC, NPA, etc.) la voient aménagée par un droit du travail libérateur et assurant les moyens de vivre et de bénéficier pleinement des performances économiques du pays à tous. Les candidats de la droite (extrême ou non) ne cherchent à améliorer le pouvoir d'achat que par des exonérations sociales et fiscales au risque d'appauvrir l'Etat social et de le rendre inopérant.

Après avoir beaucoup hésité entre les candidats des trois grands partis de gauche, Jadot, Mélenchon, Roussel et malgré le choix du parti dont je suis membre (GRS), je vais voter Mélenchon en faveur du programme pour l'union populaire 2022. D'une part, c'est le candidat qui porte le travail de conception le plus abouti, d'autre part celui qui a les chances de contester l'élection d'Emmanuel Macron et son programme anti-social et strictement corporatiste.

Le plan "éradiquer la pauvreté" résonne avec le contenu de mon livre que j'ai titré ainsi et qui montre la faisabilité de la suppression de la pauvreté (tout adulte perçoit un revenu net supérieur au seuil de pauvreté) et dont le brut rend chacun propriétaire d'une part du patrimoine productif et assure le financement de la santé de tous.

Si je me range dans les rangs de la  gauche, c'est que je la sens capable d'évolution en matière de vision du travail, de l'intégration des citoyens dans la société, de réforme du droit des entreprises et de modernisation progressiste de la fonction publique, dans son organisation et dans ses missions. J'ai adhéré à la Gauche Républicaine et Socialiste pour relever les défis qu'elle veut relever: le réchauffement climatique, les inégalités sociales et les bouleversements géopolitiques, en espérant pouvoir y promouvoir ma conception du travail et de sa reconnaissance par la société dans un revenu universel d'activité lié à la qualification et à l'expérience et dans une démocratie au sein des organisations du travail (entreprises, associations et établissements publics).

En 2022, sur 51,3M d'adultes, on dénombre 28,9M d'actifs, 25,8M de salariés dont 75% en CDI et 3,1M d'indépendants; 2,4M d'adultes n'ont pas de travail, mais en cherchent et 16,7M de retraités sont considérés comme inactifs. 28,9M d'actifs et 19,1M d'inactifs font 48M d'adultes sur 51,3M qui ont construit une expérience professionnelle dans leur vie, 3,3M n'ayant pas marqué les statistiques actuelles par une activité remarquée. Mais tous les adultes ont acquis ou sont en train d'acquérir une qualification. 

En répartissant le PIB (2021) entre tous les citoyens (adultes), compte tenu de la démographie française (pyramide des âges, qualification et déroulement d'une carrière complète qui double le salaire initial pour cinq niveaux de qualification, chacun séparé de 20% du précédant), on obtient la répartition suivante:

soit:

L'investissement comprend la gratification des actionnaires (dividendes) des salariés (primes) au sein de chaque unité de production, les dividendes étant fixés selon le rapport "capital social / fonds propres" par rapport aux bénéfices après report à nouveau. Le report à nouveau est fixé par le conseil d'entreprise formé des représentants de la société d'actionnaires et de représentants du collectif de travail, le poids de la société d'actionnaires étant fixé selon le rapport "capital social / ressources". Pour cela, un statut d'entreprise distinct de celui de la société d'actionnaires et nécessaire qui peut service de modèle pour les établissements publics, la société d'actionnaires étant remplacée par les représentants de l'Etat, comme pour les associations, la société d'actionnaires étant remplacée par le conseil d'administration de l'association.

Si le salaire net initial du premier niveau de qualification est en dessous du seuil de pauvreté, personne n'est en dessous à partir de l'âge de 23 ans, les âges de la formation initiale. Le partage du PIB entre tous les citoyens selon sa qualification et son expérience à l'âge qu'il a, tous ont la possibilité d'améliorer leur situation en exerçant une part de ses activités au sein d'une organisation reconnue ou en améliorant sa qualification par la formation continue ou la valorisation des acquis de l'expérience. Le travail n'est pas donné par un employeur, il est l'activité. De plus, tous les citoyens acquièrent une part de propriété sur le patrimoine productif du pays et peuvent exercer un pouvoir de décision au niveau de l'organisation dans laquelle il exerce son activité grâce au "statut de l'entreprise".

Mais cette vision de la société n'est portée par personne. Elle constitue tout de même un calibrage de ce qu'il est possible de faire et montre qu'il n'est pas possible de garder l'échelle des salaires actuelle sans limiter les plus hauts. Pour faire fortune, il faudra vraiment sortir de l'ordinaire par l'actionnariat (dividendes) ou le travail (primes). D'autre part, 60% du patrimoine est hérité aujourd'hui, le projet Mélenchon 2022 concernant l'héritage et les donations relève bien le défi.

C'est bien l'activité humaine qui produit la richesse chaque année. C'est le PIB qui affiche cette richesse et elle doit être partagée entre tous les citoyens.

Si chacun apportait la même qualification et si le problème économique cher à Keynes était résolu, le PIB pourrait être partagé également. Mais l'humanité doit encore organiser la production collectivement et avec efficacité, et tout le monde n'a pas encore la capacité de conception apportée par la qualification. Expérience et qualification doivent être encouragées, la première par le doublement du revenu grâce à une "carrière" complète (42 ans de 18 à 60 ans), la seconde par un écart de 20% du premier entre deux niveaux adjacents (cinq niveaux étant retenus pour toute activité).

Le capitalisme reconnaît une autre manière que le travail pour contribuer au bien de chacun: la constitution de capital social et l'amélioration de l'outil de production. Cette démarche doit aussi être encouragée de la même manière que les membres du collectif de travail qui déploient une activité plus importante que la plupart, ou qui le font avec plus d'efficacité en améliorant l'organisation et les outils. Ces interventions seraient encouragées par des gratifications, dividendes pour les premiers, primes pour les seconds.

La gauche du 20ème siècle s'était donné comme mission, la libération de la subordination du travail au capital. Celle du 21ème siècle tarde à se libérer d'une vision qui l'empêche de réussir l'émancipation du travail de l'emploi et de son marché.