31 déc. 2024

Le vivre ensemble

La redistribution effectuée par la protection sociale que nos parents ont réussi à mettre en place ne cesse de subir les coups de rabot de politiques publiques qui n'atteignent même pas leurs promesses. La pauvreté dans l'abondance explose, de plus en plus de familles peinent à se nourrir et les entreprises, à part quelques grands groupes et quelques secteurs d'activité, peinent à faire vivre leur collectif de travail.

La répartition de la valeur ajouté et la maîtrise due aux collectifs de travail sur la marge d'exploitation qu'ils produisent sont deux thèmes qui doivent être portés par le programme d'une gauche politique et des organisations syndicales salariées unies pour donner aux citoyens une lucidité susceptible de répondre aux défis des temps que nous vivons.

La répartition de la valeur ajoutée

Le rapport Cotis (2009 - Partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunérations en France) a popularisé une part des 2/3 de salaires dans le PIB vérifiée depuis le milieu des années 1980. L'INSEE confirme cette part à chaque publication des comptes de la Nation.

Cette répartition est caractéristique d'une économie développée. Elle est qualifiée de partage vertueux entre Salaires et Profits par Jean-Hervé Lorenzi et Alain Villemeur.

Une répartition très différente d'une entreprise à l'autre

Mais une étude de l'INSEE, par une approche par données microéconomiques, montre que si la moyenne mise en évidence du rapport Cotis ne touchait qu'un quart des entreprises (ce qui correspond à 33% de marge d'exploitation), la moitié d'entre-elles subissant en fait une marge d'exploitation inférieure à 27% et le quart une marge d'exploitation supérieure à 44%.

Répartition 2023

Cette étude montre que l'économie française ne souffre pas de problème générale de poids des salaires, mais d'une contribution inégalitaire des entreprises aux salaires qui ne peut être traitée qu'avec une mutualisation.

Sécuriser la marge d'exploitation de chaque entreprise

En cotisant deux tiers de sa valeur ajoutée pour se libérer des salaires, chaque entreprise obtiendrait 1/3 de sa valeur ajoutée de marge d'exploitation - plus besoin d'exonération de cotisations sociales, véritable amputation de la masse salariale (80 Md€, 20 Md€ de plus que ce que propose M. Barnier pour réduire la dette !).

En contrepartie, les entreprises ne maîtrisent plus l'attribution des salaires à chaque salarié, le salaire devient un objet de société qu'il est alors possible de dessiner démocratiquement.

Salaire à vie rémunérant qualification et expérience en fonction du PIB

Comme dans la proposition de salaire à vie faite par Bernard Friot, chaque citoyen (54 M d'adultes de 18 ans et plus) reçoit un salaire au niveau de sa qualification tout au long de sa vie d'adulte. Et pour reprendre les repères revendicatifs de la CGT dans la formation de ce salaire à vie, chaque niveau de qualification vaut 20% de plus que la qualification inférieur. La masse salariale distribuable est de deux tiers du PIB. Pour encourager l'emploi de l'activité de chacun au bénéfice de tous, le salaire à la qualification évolue chaque année en emploi (salarié, indépendant, militant dans une organisation reconnue, en formation) jusqu'à doubler avec une carrière complète (18 à 60 ans).

Mettre en place un salaire à vie, c'est faire en sorte que chaque citoyen reçoive les moyens de vivre au niveau d'abondance de la société avec la valeur ajoutée comme référence.

Répartition du PIB en 2023

La somme des salaires versée dans l'année constitue la masse salariale représentant les deux tiers du PIB, la France consacrerait alors un tiers de la richesse créée chaque année, en 2023 cela donne respectivement 1 882 Md€ pour les salaires et 941 Md€ pour les unités de production - nous parlerons d'entreprises.

Les dépenses de santé en 2023 représentent 8,9% du PIB, la masse salariale nette et la marge nette des entreprises après cotisation pour alimenter les recettes couvrant ces dépenses de santé seront donc respectivement de 1 714 Md€ et 857 Md€.  Ces 857 Md€ sont disponibles pour permettre aux entreprises d'entretenir leur infrastructure, de rembourser les crédits, de conforter leurs fonds propres et de gratifier la société d'actionnaires et le collectif de travail qui les constituent.

La répartition des richesses

La répartition du PIB entre salaires et marge dégage 857 Md€ pour les entreprises. La formation brute de capital fixe (FBCF) est de 652 Md€. Les gratifications pourraient se monter à 205 Md€ distribuées selon leur portefeuille aux actionnaires et selon leur "mérite" aux salariés éventuellement de façon très inégalitaire.

La répartition 2/3-1/3 du PIB entre salaires et marges garantit 857 Md€ aux entreprises. En n'imposant que les personnes physiques, ces marges sont nettes.

Le vivre ensemble économique en France en 2023

Les dettes publiques et les dettes aux citoyens

En 2023, le remboursement de la dette publique a pesée 128 Md€ sur le budget de l'Etat. Avec un budget équilibré comme proposé ci-dessus, ce remboursement peut réduire la dette comme le demandent 82% des Français (selon le baromètre Elabe du 3 octobre dernier), contrairement au budget Barnier. 

Les dettes publiques sont le produit de la réponse à deux événements exogènes (la réponse publique à la crise financière de 2008 et la réponse publique à la crise sanitaire de 2020), mais aussi à la politique publique "d'aides aux entreprises" menée depuis une trentaine d'années avec les exonérations de cotisation sociales qui remplacent du salaire par des impôts, les baisses d'impôts pour les plus hauts revenus et pour les entreprises.

Aujourd'hui, les citoyens financent la moitié de la formation brut de capital fixe des entreprise ! Depuis 1979, les salariés ont cédé 19 011 Md€ aux entreprises (marges) qui ont reçu 9 472 Md€ de subvention des citoyens (aides aux entreprises), l'incroyable richesse du travailQuelle est la valeur de la propriété privée des moyens de production ?

La maîtrise de l'usage de la marge

L'entreprise n'existe pas (Anne Le Haro dans La Vie Ouvrière #11), seule la société d'actionnaires dispose d'un statut conçu sous Napoléon 1er en 1804.

La société d'actionnaires comme définition de l'entreprise !

Cette définition ne fait pas de l'entreprise un objet commun à la société d'actionnaires et au collectif de travail. Elle ne reconnaît pas l'apport en capital du collectif de travail. Elle attribue toute la marge d'exploitation à la société d'actionnaires qui décide alors seule de son usage. Non seulement c'est illégitime, mais aussi inefficace à apporter à chacun sa part d'abondance de la société, abondance de plus en plus accaparée par les plus riches des entreprises comme des personnes.

La contribution du travail au capital

La contribution du collectif de travail au capital de l'entreprise suffit à justifier la réforme de l'entreprise. La mesure de la contribution respective de la société d'actionnaires et du collectif de travail est donnée par le poids du capital social (K) dans les fonds propres (F) : K/F pour la société d'actionnaires, (1-K)/F pour le collectif de travail.

Mais la République est le fondement de la société française et le premier principe de la vie ensemble est l'autonomie de chaque citoyen n'est pas respecté par la dépendance dans laquelle l'employeur tient le salarié. C'est un véritable retour à l'ancien régime.

On en reparle en 2025...