« Souveraineté alimentaire », « souveraineté industrielle et numérique », les ministères se parent de titres fleurant bon un protectionnisme que la théorie économique a longtemps rejeté.
[Le Monde - Les débats éco du samedi 10 février 2024]
« Les dernières études empiriques sur la politique industrielle plaident en faveur d’interventions de l’Etat », constate l’économiste Isabelle Bensidoun. Elle estime que la théorie classique du commerce international ne fonctionne plus dans un monde où les interdépendances se transforment en armes géopolitiques.
« Si la fragmentation de l’économie mondiale se poursuit, les tensions entre grandes puissances s’intensifieront inévitablement », ajoute l’économiste Edoardo Campanella. Il craint que le repli sur les frontières nationales n’aggrave les risques de conflit.
« L’idée selon laquelle la globalisation aurait démantelé les économies nationales est inexacte », estime l’historien Alessandro Stanziani. Il appelle à dépasser l’opposition fallacieuse entre « souveraineté économique » et « mondialisation ».
« Le protectionnisme n’a pas toujours empêché la croissance », rappelle l’économiste Charles Serfaty. Ce n’est pas durant les phases de libre-échange que la France a connu le développement le plus rapide.
Enfin, selon Jacques Mistral, « La France a une relation particulière avec le concept de souveraineté ». L’économiste observe le cheminement paradoxal d’Emmanuel Macron depuis l’objectif de compétitivité à celui de souveraineté.