3 oct. 2022

La sécurité économique

Benoît Borrits est un entrepreneur dans le secteur de l'informatique, créateur de la société Esker qu'il a quitté alors qu'elle employait 310 personnes. "Il ne peut y avoir de solution à la fin du monde sans résoudre la question sociale des fins de mois. Je porte donc au débat public la proposition de Sécurité économique, qui porte en elle-même les termes d’un nouveau contrat social et les germes d’une nouvelle société." affirme-t-il. Et il donne les outils pour mener le débat.
Il fait d'abord une présentation personnelle de l'économie en quatre cycles: l'entreprise, la finance, l'argent et la macroéconomie. Et il propose de le contacter pour lui poser pour lui présenter les questions et les objections que la lecture de ses propositions ont pu nous suggérer.
Cette démarche ne peut que m'intéresser et je souhaite participer à ce débat de la sécurité économique qu'il présente comme un progrès social semblable à celui de la sécurité sociale

La sécurité économique proposée a pour objectif de contribuer à la résolution de la question des fins de mois, mais s'adresse à la bonne volonté et l'intelligence des entreprise. Il s'agit d'une mutualisation d'une partie de la charge des salaires par une cotisation entre entreprises. La démarche s'adresse donc aux chefs d'entreprise et adopte leur point de vue: assurer la pérennité de leur entreprise et satisfaire suffisamment la finance pour attirer les investissements (au risque de perdre l'adhésion des salariés et la maîtrise de leur entreprise). Ma contribution adopte la question du point de vue des salariés.

L'économie

Les deux premiers cycles font une présentation située de l'entreprise: le premier donne le point de vue de l'entrepreneur qui souhaite garantir le développement de son projet, le deuxième celui de la finance qui cherche le retour le plus rapide et le plus important à son investissement.

Du point de vue des salariés, il est clair qu'il est possible de s'appuyer sur le projet d'entreprise pour collaborer avec un entrepreneur, mais que la relation avec un financier sera toujours conflictuel (En guerre).

La différence entre un entrepreneur et un investisseur vient de sa proximité avec le travail. Souvent le premier exerce dans l'entreprise et partage l'expérience de ses employés. Il fait partie du collectif de travail.

Le second ne se satisfait pas du caractère viable, ou même en développement de l'entreprise, ce qu'il poursuit c'est le retour sur investissement le plus rapide et le plus important. Il est en capacité de mettre en concurrence plusieurs entreprises et n'hésite pas à faire disparaître celles qui ne le satisfont pas, quel qu'en soit l'utilité pour la société ou la nécessité pour la bonne marche du territoire dans laquelle elles déploient leur activité.

L'entreprise

De la présentation faite par Benoît, je prends celle du bilan, la photographie à un instant donné affichant les ressources en face de l'outil de travail, l'actif. Je ne retiens pas le terme de passif dont tous les éléments seraient des dettes. Les sociétaires (les actionnaires) seraient en droit de se penser titulaires d'une créance sur l'entreprise. 

En fait, les sociétaires (les actionnaires) apportent collectivement le capital social, le mettent en commun au sein d'une société d'actionnaires dont le statut - il en existe de nombreux - définit les rapports de pouvoir entre eux.

Le capital social constitue le noyau des fonds propres qui varient selon les résultats des exercices, bénéfices et pertes constituant respectivement des sources de développement ou de diminution de ces fonds propres. Les dividendes versés aux actionnaires diminuent les fonds propres.

Avant de préciser cette question d'évolution des fonds propres, je voudrais introduire la vision salariale de l'entreprise. C'est le travail qui produit la valeur ajoutée, elle appartient donc au collectif de travail. Cette valeur ajoutée produite à chaque exercice est entièrement dépensée par le collectif de travail en salaires, en réparation de l'outil de travail (amortissements), en remboursement des dettes financières et en répartition des bénéfices à l'entreprise (mise en fonds propres ou report à nouveau), et en gratifications des actionnaires (dividendes selon le portefeuille en actions) et en gratifications des salariés (primes selon le "mérite" de chacun attribué selon les règles de management).

Le remboursement des dettes financières et la maintenance de l'outil de travail doivent être honorés, cela peut imposer une diminution des fonds propres, une absence de gratifications (dividendes et primes), mais aussi bien souvent des licenciements de salariés ou des pertes de salaires depuis les lois travail.

L'entreprise apparaît là comme bien commun à la société d'actionnaire (SA) et au collectif de travail (CT), les deux parties constituantes qui contribuent aux ressources et assument le risque de pertes.

Benoît nous a présenté l'entreprise centrée sur l'entrepreneur. Normal, seule la SA a une existence légale. Le reste n'est qu'un ensemble de contrats qui lient les clients, les fournisseurs, les employés à la SA. L'entreprise n'existe pas. Le collectif de travail est extérieur. C'est pour cela que le travail est considéré comme générateur de coûts au même titre que les fournisseurs.

Pour faire de l'entreprise un bien commun, il est nécessaire de lui donner un statut juridique distinct de celui de la SA et de lui donner les organes qui en ouvre le gouvernement au CT sur le fondement de leur contribution au développement. Les salariés ne peuvent que rester des invités, des observateurs dans les conseils d'administration, des organes de la SA.

Contributions respectives de la société d'actionnaires et du collectif de travail

La sécurité économique

En moyenne, l'entreprise française consacre 2/3 de sa valeur ajoutée aux salaires. C'est une réalité établie par le rapport Cotis en 2009 très stable depuis le milieu des années 1980 à nos jours, sur 40 ans donc. Une étude menée dans le sillage de ce rapport montre que c'est le cas pour la moitié des entreprises, un quart supportant un poids supérieur pour les salaires, un quart inférieur et très inférieurs pour certaines dans le secteur des services immobiliers et chez les grands groupes comme Orange par exemple.

Plutôt que de crier au poids du coût du travail, il serait plus efficace d'organiser la mutualisation de la distribution des salaires par la cotisation des deux tiers de la valeur ajoutée des entreprises et l'attribution de celle-ci au collectif de travail (c'est sa contribution) qui disposerait du tiers en concertation avec la société d'actionnaires au sein d'un conseil d'entreprise.

La démarche proposée par Benoît est un premier pas vers cette transformation de la société construite sur la constitution de l'entreprise et de tous les lieux de production en bien commun. Les entrepreneurs ne peuvent pas continuer à s'en remettre à l'Etat pour assurer la sécurité de leur projet, ni la finance pour celle de ses "prises de risque". Ils doivent assurer eux-mêmes cette sécurité comme l'on fait les salariés pour la sécurité sociale.

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