4 août 2018

Propriété productive

Depuis l'antiquité et le débat qui a animé Platon (partisan de la propriété publique des moyens de production) et Aristote (partisan de la propriété privée), l'Humanité n'a pas su trouver un cadre juridique du système de production propre à satisfaire tout le monde.

Le 20ème siècle a montré qu'une économie totalement publique n'était pas vivable. Mais l'économie privée n'en est pour autant pas validée. Si l'expérience moyenne des coopératives est intéressante et assure une bonne coopération entre les parties constitutives de l'entreprise, elle reste marginale, limitée aux frontières de l'entreprise et, quand elle réussit, tend à être remise dans le système capitaliste comme n'importe quelle entreprise; le projet étant oublié pour la simple production de bénéfices à partager entre actionnaires.

Le capitalisme renforcé par la chute des systèmes construits sur la propriété publique ne répond pas aux besoins du 21ème siècle. Son dépassement est nécessaire. L'Homme du 21ème siècle ne se satisfait pas d'être citoyen dans la cité et simple vassal dans l'entreprise.

Dans son livre "Au delà de la propriété, pour une économie des communs aux éditions La Découverte", Benoît Borrits propose un dépassement du capitalisme qui évite l'exclusion produite par la limite de la coopérative ou la concentration des pouvoirs :


Il montre que la propriété productive est déjà en cours de dépassement en utilisant l'évolution socialisante de l'économie du système bancaire. C'est un livre qu'il faut lire pour la richesse de sa partie historique et de la voie qu'il ouvre.

La comptabilité* montre à quel point la propriété sur l'entreprise est abusive. En moyenne, le capital social apporté par la société d'actionnaires (à la création de l'entreprise et au fil des augmentations de capital) ne fournit qu'un tiers des ressources à l'entreprise. Le système bancaire n'apporte rien, il se limite à fournir une financement virtuel à la hauteur de sa confiance dans le modèle économique concrétisé par un prélèvement sur le profit réalisé par le collectif de travail au fil des exercices.

Le collectif de travail est donc propriétaire, en moyenne, des deux-tiers des ressources de l'entreprise. Cette propriété, pour le salarié, n'est qu'une propriété d'usage puisqu'elle disparaît quand le salarié quitte l'entreprise.

Bien sûr, le poids de la société d'actionnaire dans la gouvernance et dans la distribution des résultats doivent être réglée sur le poids K du capital social dans les ressources R: K/R pour la société d'actionnaires, (1-K)/R pour le collectif de travail.

Le collectif de travail est structuré: la direction est responsable du projet économique de l'entreprise que les employés réalisent par leur travail. La direction représente les intérêts de l'entreprise (leur responsabilité quant à la réalisation du projet d'entreprise et la composition des intérêts des actionnaires et ceux des salariés), les employés défendent leurs intérêts (la part opérationnelle dans le projet économique, le respect de leurs métiers et des conditions dans lesquels ils l'exercent, leur santé, etc.).

Le poids du collectif de travail (1-K)/R est attribué pour moitié à la direction** et pour moitié aux employés. La part des résultats attribuée à la direction est mise en ressources et celle attribuée aux employés est distribuée en primes aux salariés de direction et ou non. Cette distribution est négociée entre direction et représentants des employés.

La limitation du poids de la société d'actionnaire assure l'indépendance de l'entreprise vis à vis de la société d'actionnaires et rend impossible les fermetures boursières ou les disparitions d'entreprises qui ne seraient pas en faillite réelle.

Le système économique construit sur une micro-économie respectant la séparation des pouvoirs et la prise en compte des intérêts de toutes les parties constituantes est plus robuste.
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* La comptabilité n'est que convention, la finance internationale a réussit à imposer une convention qui valorise la capital social à son cours sur les marchés financiers. C'est extrêmement malsain puis que cette valeur ne correspond pas au capital mis à la disposition de l'entreprise et qu'elle permet la poursuite d'une activité extrêmement déficitaire comme celle de Google par exemple.
** Personne ne peut cumuler la fonction de Président représentant la société d'actionnaires et de directeur général représentant l'entreprise.