27 août 2014

Compromis social, remplacer ce qui ne marche plus.

Le compromis social construit sur l'échange sécurité contre subordination ne fonctionne plus quand un salarié sur cinq vit dans la précarité. La sécurité n'étant plus garantie, la subordination n'est plus supportable.

Il n'y a pas d'organisation de la société idéale. Pour qu'une organisation soit bonne, il suffit que tout le monde y trouve son compte.

Aujourd'hui, l'activité économique est au point mort, les pauvres sont de plus en plus pauvres, les riches de plus en plus riches et tout le monde touche de plus ou moins près la précarité. La politique, au lieu d'inventer de nouvelles solutions, se réduit à la mise en œuvre de solutions qui ont montré leur inanité depuis trente ans.

Le fonctionnement d'une société livrée à la finance est soumise à une démocratie d'alternance entre une droite ouvertement hostile à toute protection sociale et une gauche sans alternative à une politique dite de compétitivité.

Le compromis social du vingtième siècle est mort.

Sur fond de lutte des classes, le vingtième siècle est en fait un long cheminement vers un compromis social qui a produit son plus grand effet dans les années 1970. Ce compromis assurait l'ascension sociale des jeunes fondée sur une formation de plus en plus complète et un marché du travail de plus en plus large fondé sur un appel à l'intelligence de plus en plus important.

En échange de sécurité d'emploi, de sécurité sociale (maladie, vieillesse et  chômage) financée par la cotisation sur les revenus primaires de l'entreprise, les salariés ont accepté leur état de subordination envers le propriétaire de l'entreprise sans regarder la légitimité de cette propriété. Le pouvoir du propriétaire était limité par la pratique de la séparation des pouvoirs entre le président qui le représentait et le directeur générale en charge du projet d'entreprise.

Depuis la fin des années 1970, le directeur général qui composait les facteurs de production (capital, travail) au bénéfice du projet d'entreprise a disparu. Le président s'est attribué ses prérogatives pour mettre le projet d'entreprise au service du rendement financier exigé par les propriétaires ; le PDG, homme de main de la société (association de défense des actionnaires) a pris le pouvoir dans l'entreprise en toute soumission envers la société, par la carotte du salaire exorbitant et le bâton du siège éjectable.

Le compromis social fondé sur l'échange sécurité contre subordination aveugle ne fonctionne plus. La subordination imposée au salarié doit donc être remise en cause. Un nouveau compromis social doit être recherché.

La légitimité du poids de la propriété dans l'entreprise doit être revisitée.

Une entreprise est une personne morale non autonome qui dépend de la société, association de défense des actionnaires, au travers d'une propriété totale qui déséquilibre les rapports entre capital et travail et qui ne permet pas de reconnaître le travail à sa juste valeur.

Pour créer une entreprise, le futur chef d'entreprise apporte le capital social et le complète des crédits obtenus auprès des banques pour constituer les actifs nécessaires à l'activité. C'est par son travail et celui qu'il mobilise éventuellement auprès de ses salariés ou de ses associés que le créateur d'entreprise rembourse ces crédits, investit et constitue des réserves. Mais, ce faisant, il diminue la part relative du capital social dans la richesse de l'entreprise. Plus l'entreprise s'enrichit, moins le poids de son capital est important.

Orange est une très ancienne entreprise passée d'un statut d'administration à budget annexe qui se finance sans impôt depuis 1923 à un statut de société anonyme en 1997 [P.Musso, 2008]. Le capital social représente 12 % du bilan actuellement. En 2006, il en représentait 10 %, la société n'ayant augmenté sa part seulement par l'appauvrissement de l'entreprise.

Comme toutes les entreprises, Orange ne fait de publicité que pour son compte d'exploitation à charge contre les salaires sur le thème de la compétitivité. Le bilan met pourtant le doigt sur l'enrichissement des actionnaires à l'encontre de celui de l'entreprise : en sept ans, l'entreprise Orange a perdu plus de 17Md€ pendant que les actionnaires ont touché près de 30Md€. Aucune publicité n'est donnée à ce sujet. C'est pourtant le trésor de guerre de l'entreprise qui disparaît.

Le collectif de travail doit intervenir dans les décisions, le résultat d'un exercice n'est pas légitimement la propriété entière de la société alors que le capital social ne représente qu'une part beaucoup plus restreinte du bilan. La représentation de la société dans le conseil d'administration de l'entreprise doit se limiter à cette part, le reste étant réservé à la représentation salariée.

L'intervention des salariés est le pivot de la réforme nécessaire du statut de l'entreprise.

En devenant mouvement des entreprises de France, le conseil national du patronat français a formalisé le hold-up de la société sur l'entreprise.

Le compromis social qui rendait viable la subordination du travail envers le capital étant tombé, la légitimité du pouvoir de la société dans l'entreprise doit être revisitée.

C'est la contribution du capital social mis à la disposition de l'entreprise qui mesure le pouvoir de la société dans l'entreprise. Les salariés doivent exercer le pouvoir que leur donne leur contribution à la richesse de l'entreprise, c'est à dire le complément du capital social dans le bilan.

Les actionnaires peuvent donner le statut qu'ils souhaitent à leur société. La loi doit légiférer sur le statut de l'entreprise qui donne le pouvoir aux différents facteurs de production selon leur apport à la richesse de l'entreprise : société représentant les actionnaires et représentants élus du collectif de travail.

Cette réforme ne change rien à la valeur de l'entreprise sur le marché des valeurs. La valeur de l'entreprise n'est que l'idée que s'en font les actionnaires lorsqu'ils s'échangent le titre de propriété d'une part du capital social.