Le vingtième siècle a été long et n’en finit pas, contrairement à ce qu’affirme E. Hobsbawm. Il commence durant le dernier quart du dix-neuvième avec la promesse du progrès et de la libération des religions, il s’achève dans une crise économique qui appauvrit la majorité de la population et dans les replis communautaires religieux et nationalistes.
Le siècle s’est construit sur l’idée de progrès : progrès technique, projets industriels, démocratie, solidarité ouvrière, construction d’un monde meilleur, déclaration de Philadelphie, etc.
Le siècle a opposé les partisans de la propriété publique à ceux de la propriété privée qui, sans forcément le savoir, protègent des privilèges insupportables. Mais les révolutions des communistes ont aussi produit une société de privilèges maintenus par la police et le goulag.
Le siècle a donné d’énormes moyens de destruction à des fous de dieu, des fous de la nation ou de la race : Arméniens, Juifs et Tziganes, apartheids américains ou sud africains qui agressent toutes les privilégiés comme les discriminés, Tutsis et démocrates. Les révolutions arabes pleines de promesses se dissolvent dans les folies de la charia. Les catholiques défilent dans les rues pour interdire aux non croyants de vivre comme ils l’entendent.
Et pourtant ce vingtième siècle a montré la voie du progrès. Le dernier quart du dix-neuvième siècle a vu apparaître les grands capitaines de l’industrie qui réalisaient leur projet industriel en composant intelligemment les facteurs de production : capital et travail. Pendant cent ans, jusqu’à ce que le capital prenne le pouvoir de l’économie dans les années 1980, ils vont produire un immense progrès social : l’ascenseur social pour tous.
Mais le dernier quart du vingtième siècle a tout jeté : la loi Pompidou de 1973, l’innovation financière des années 1980, l’externalisation, la multiplication des sous-traitances en masse et en niveau, l’individualisation des salaires, la multiplication de contrats de travail précaires, les exonérations de cotisations sociales, la préférence pour la concurrence à la régulation concertée et à la coopération, etc.
Il est temps de rentrer dans le vingt-et-unième siècle en reprenant ce qui a marché dans les précédents. Ce qui a produit du progrès, c’est la conduite entrepreneuriale qui composait les facteurs de production pour mener à bien les projets.
L’entreprise est une personne morale sans statut juridique. Sa personnalité morale lui permet d’emprunter et de produire la valeur ajoutée susceptible de rembourser cette part de capital. Mais l’absence de statut juridique permet à la société – simple association de défense des actionnaires – de se considérer comme propriétaire des actifs et de décider de tout. Le patron de l’entreprise n’est plus ce grand capitaine d’industrie qui travaille à la réalisation du projet, mais l’homme de main des actionnaires, tenu par son salaire mirifique et son siège éjectable (la carotte et le bâton).
Le vingt-et-unième siècle naîtra d’abord avec le statut de l’entreprise qui l’émancipera. Le progrès social naît de la richesse produite par le travail. La mise initiale de capital est bien vite diluée dans la richesse créée par le travail. La caution qu’elle constitue ne justifie pas ce pouvoir financier.
Les comptes d'Orange année 2013 |
Les actionnaires se sont attribué deux fois et demi le bénéfice de 2012 et le bilan 2013 a vu les actifs diminués de 4 Md€. Le capital initial est de 10Md€, la société titre 20Md€, les actifs pèsent 90Md€. Et les actionnaires ont tous les pouvoirs ; c’est cela qu’il faut changer.