1 avr. 2025

Le projet républicain contre la ploutocratie

Liberté, Égalité, Fraternité" proclament nos bâtiments officiels dans toute la France. Mais pour être libre dans une société, il faut disposer des ressources pour vivre au niveau de l'abondance générale que produit cette société. Mais aujourd'hui, les citoyens doivent trouver un employeur de leur travail et subordonner leur activité aux objectifs de cet employeur. Notre pays ne crée pas les conditions pour que règne des rapports d'indépendance entre ses citoyens. La majorité d'entre eux doit subordonner leur citoyenneté (86,5 %) et la moitié d'entre eux n'accède pas au niveau d'abondance de la société de 2000,00 € par mois (Fiche n°12a des repères revendicatifs de la CGT).

Le projet républicain

Le projet républicain (Spitz, 2022) "vise à créer une société qui soit la chose de tous, une société dont la légitimité tient à sa capacité à instituer et à entretenir entre les citoyens des rapports d’indépendance mutuelle et de non-domination. Mais à l’âge du capitalisme avancé cette égalité ne peut plus reposer seulement sur des droits personnels ; elle exige des droits sociaux solides et efficaces qui garantissent à chacun les bases d’une existence autonome : droit à la santé, à l’éducation, au logement, à un emploi et à un revenu décents."

L'Égalité n'est plus une exigence morale pour ceux qui ont les moyens d'y contribuer par la charité au bon vouloir (les nobles ou les religieux). Elle est une exigence sociale actuellement réalisée par l'impôt, surtout avec l'impôt sur le revenu et par la sécurité sociale détricotée depuis l'origine par de multiples réformes : refus d'y participer d'un certain nombre de corps sociaux (1946), modification de la gouvernance en 1967, séparation des risques, création de l'Ondam en 1996, mise en place et développement des exonérations, réformes des retraites et du chômage, étatisation continue.

L'organisation de la solidarité a perdu de son efficacité à force d'être mise au service de l'économie par ces réformes, sans parler des inventions sophistiquées des services fiscaux qui ne permettent plus de connaître la contribution de chacun aux finances de l'Etat et abîme la légitimité républicaine. Le modèle social européen, l'Etat providence, a été détruit par les réformes imposées au prétexte de l'emploi.

La répartition de la valeur ajoutée

Le niveau de salaire n'est pas une question de pouvoir d'achat, mais une question de répartition de l'abondance. C'est le travail qui crée la richesse, toute la richesse. 

Chaque collectif de travail crée la valeur ajoutée de l'entreprise, mais en est dessaisi par la société d'actionnaires. Il est temps de rendre au collectif de travail le droit d'usage qu'il mérite sur la valeur ajoutée.

L'entreprise doit disposer d'un statut juridique qui empêche le véritable vol que permet son absence. La société d'actionnaire est l'organe des actionnaires. Le collectif de travail doit disposer de la personnalité morale qui lui permette de partager la gouvernance de l'entreprise avec la société d'actionnaires en fonction des apports de chacun.

La Présidence de la République Sarkozy a popularisé (Cotis, 2009) une répartition du PIB au 2/3-1/3 entre salaires et profits de façon stable depuis le milieu des années 1980. Cette répartition est jugée vertueuse dans un livre (Lorenzi & Villemeur, 2023). 

La répartition macro-économique entre salaires et profits de 2/3-1/3 assure :

  • l'ajustement de la masse salariale au niveau de l'abondance de la société ;
  • un financement du système productif d'un tiers du PIB.
La répartition micro-économique entre salaires et profits de 2/3-1/3 de la valeur ajoutée assure :
  • la libération des unités de production de la "charge" des salaires ;
  • un profit  qui améliore la situation financière de 60% des entreprises dont la moitié augmentera sa capacité au moins de 200% et l'autre de 100% ;
  • un profit de la moitié des salaires des bénévoles à plein temps pour les associations qui ne vendent rien.

Le travail

Le travail ce n'est pas l'activité brute, ni l'autosuffisance. Le travail, c'est l'activité mise au service du commun qui contribue à la création de richesse de la société, à l'amélioration du système productif et de la productivité du travail au bénéfice de tous.

Le travail ne se réduit pas à l'emploi au sein d'un collectif de travail d'une entreprise ou d'une administration. Le travail est exercé sous une grande diversité de statuts (salarié en grande majorité, indépendant, fonctionnaire, bénévole, aidant d'un malade ou d'un premier de cordée*, etc.). Il est en partie ignoré et sans valeur sous le nom de bénévolat ou d'auto-entreprise.

L'acquisition d'une qualification constitue un travail qui donne de la valeur à une Nation. Et la mobilisation de chacun au bien commun par l'emploi au sein d'un collectif de travail produit à la fois de l'expérience qui doit être valorisée et des biens et services qui créent de l'abondance, d'autant plus quand chaque membre de la société dispose des ressources pour y accéder. Au dessus de 18 ans, se former constitue un travail que la société doit reconnaître au travers d'un salaire.

Le "travail" des machines

Génération.s propose le revenu de base alimenté par une taxe sur les machines sous le prétexte qu'elles remplacent les travailleurs. Mais les machines ne travaillent pas. Elles ne font qu'améliorer la productivité du travail des Hommes. L'Humanisme commande de faire du travail une spécificité de l'Homme. Si de l'emploi disparaît, c'est parce que les employeurs s'attribuent tout gain de productivité.

Condate

A Rennes comme à Lyon, Condate est le nom d'un confluent, respectivement celui de l'Ille qui grossit la Vilaine et celui de la Saône qui grossit le Rhône. Le modèle de société que je me suis construit à partir d'une origine familiale catholique social disciple de Mounier, très MRP (mon Grand-Père maternel était un notable très impliqué en politique, un des premiers maires d'Europe) avec mes lectures, mes parcours à la CGT (depuis 1978) et au PS (de 1988 à 2012), mes relations avec des militants de tous les partis, de tous les syndicats, mes mandats au Codespar (le développement territorial par le consensus), à l'Apec (les questions d'emploi), etc. Le nom de Condate que je donne à ce modèle affirme l'importance de la diversité des opinions qui peuvent y contribuer avec un effort de chacun pour construire un consensus .

Le modèle Condate 

Le cadre de ce modèle, c'est le projet républicain qui nous commande de libérer chaque citoyen de toute domination.

Pour cela, chaque citoyen doit recevoir le salaire qui lui permettra d'accéder au niveau d'abondance de la Nation selon la qualification qu'il a acquise grâce à la formation initiale, la formation qu'il peut acquérir tout au long de sa vie et en faisant valider ses acquis de l'expérience (VAE) et son expérience acquise en emploi (formation, travail dans un collectif comme une entreprise, une administration, une association).

La Nation ne doit pas être portée trop haut, c'est juste le produit de l'Histoire. Liberté et Egalité doivent bien être servies avec Fraternité envers l'Humanité toute entière.

Répartition de la valeur ajoutée

Chaque unité de travail alimente une caisse des salaires au 2/3 de sa valeur ajouté. Cela assure à l'unité de production 1/3 de la valeur ajoutée de profit. Cette transposition micro-économique de la répartition vertueuse (Lorenzi & Villemeur, 2023) améliore la situation financière de 60% d'entre-elles.

En fait, les citoyens travaillant au sein des collectifs de travail, comme tous leurs aidants cotisent à chaque exercice un tiers de leur production pour conforter et améliorer les outils de production.

Gouvernance partagée du profit

Dans ce modèle de répartition de la richesse produite, le collectif de travail fournit un tiers de la valeur ajoutée à l'entreprise. Cet apport doit être reconnu autant que celui de la société d'actionnaires. La gouvernance doit être partagée entre la société d'actionnaires (qui réunit les premiers outils de production) et le collectif de travail (qui produit les richesses propres à conforter et améliorer les outils de production).

Comme tous les stocks, le capital se déprécie et nécessite du travail pour conserver ou améliorer sa valeur, les outils de production construits à partir du capital social réunit par les sociétés d'actionnaires ont besoin du travail fourni au sein du collectif de travail pour conforter et améliorer l'outil de production et pour augmenter la productivité du travail.

Répartition des bénéfices

Après report à nouveau (au moins 1/3 du bénéfice), la société d'actionnaires et le collectif de travail se partagent le reste à proportion de leur apport aux fonds propres. Si la part dans les fonds propres du capital social vaut K% des fonds propres, la représentation de la société d'actionnaires dans la gouvernance de l'entreprise est de K% et la part des gratifications attribuées à la société d'actionnaires et de K% des bénéfices après report à nouveau. La société d'actionnaires distribue ces gratifications sous forme de dividendes proportionnels au portefeuille de chaque actionnaire.

Ensuite, le reste est distribué par le collectif de travail à chaque salarié selon sa contribution, son implication, etc. à chaque salarié ou à certains selon le management.

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* Je pense aux épouses qui sacrifient leur carrière pour permettre à leur mari de la développer.
Spitz, J.-F. (2022). La République ? Quelles valeurs ? Paris: Gallimard.
Cotis, J.-P. (2009). Partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunérations en France. Paris: Présidence de la République.
Lorenzi, J.-H., & Villemeur, A. (2023). Partage vertueux entre salaires et profits. Paris: Economica.