2 mai 2020

Capital

Deux visions des salaires s'affrontent: constituent-ils la rémunération du travail acceptée par les employeurs ou la part gardée par les salariés sur la richesse qu'ils ont créée? Jusqu'à présent, c'est la première vision qui s'est imposée. Mais, en tant que citoyen (abandon de recettes fiscales) comme en tant que salarié (abandon de cotisation sociales), la plupart d'entre nous a tellement contribué aux aides à l'entreprise et à leur compétitivité que le pouvoir accompagnant la propriété du capital a perdu de son sens.

Le capital n'a pas besoin du capitalisme pour être nécessaire.

Il est loin le temps où le travailleur produisait lui-même ses outils. Aujourd'hui, pour travailler, nous avons besoin de bâtiments, de machines, de trésorerie, etc.: les actifs. Et il faut de l'argent pour constituer ces outils: le capital.

Il est loin le temps où le travailleur travaillait seul. Aujourd'hui, pour travailler, nous nous intégrons dans un collectif de travail (CT*) qui peut réunir de nombreux salariés aux métiers très différents et avoir des structures très complexes mélangeant des relations hiérarchiques et en réseaux.

La vision capitaliste du travail

Le code civil de 1804
C'est la vision portée sur le travail qui constitue le capitalisme: la vision "capitaliste" considère le travail comme donné par celui qui est à l'origine les actifs. cette vision a été coulée dans le code civil de Napoléon 1er (1804) : titre 9, chapitre 1er, article 1832 - "La société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun, dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter."

Le lieu d'exercice du travail est l'entreprise. Seule la société d'actionnaires (SA**) a une existence juridique (droit des sociétés) toujours définie par cet article. Sa mission est claire: partager le bénéfice entre ses membres selon le portefeuille de chacun. Pas question d'intérêt général!

La société d’actionnaires contracte avec ses fournisseurs, ces clients et ses salariés pour générer un chiffre d’affaires qui lui permet de conforter les actifs de l’entreprise et rémunérer ses actionnaires. Elle fournit les biens commercialise ou les services qu'elle rend et rémunère ses fournisseurs et ses salariés.

Le travail est totalement périphérique dans cette vision et sa contribution totalement invisible.
La vision capitaliste du travail
Le droit qui règle les relations de la société avec les fournisseurs et les clients est le droit commercial. L'histoire sociale de la France et les luttes qui ont été menées par les salariés ont créé le droit social constitué du droit du travail et le droit de la sécurité sociale. Les relations entre société d'actionnaires et salariés ne sont pas de simples relations commerciales.

La vision "bien commun" du travail

Au contraire, si l'on considère que c'est le travail seul qui produit la richesse et donc fournit les profits après la distribution des salaires, on a une vision "bien-commun" du travail. Mais dans la vision "bien-commun", le capital est aussi nécessaire pour réunir les ressources permettant de réunir les actifs et de les mettre à la disposition du travail.

Pour comprendre la contribution des salariés à l'entreprise, il faut ouvrir les journaux: le bilan et l'exercice.

  • Le bilan enregistre comment est constitué l'outil mis à la disposition du travail (les actifs) pour s'exercer (bâtiments, machines, brevets, dettes des clients, trésoreries, etc.) et les ressources qui ont servi à constituer cet outil (capital social et fonds propres, avances des banques, etc.).
  • L'exercice enregistre l'utilisation de la richesse créée par les salariés (salaires, réparation des actifs, remboursement des avances, mise en fonds propres, primes et dividendes, etc.). Cette richesse est la valeur ajoutée de l'entreprise pour l'exercice courant. Le chiffre d'affaires (fournisseurs et valeur ajoutée) contient la valeur ajoutée du collectif de travail et une partie de celle des fournisseurs.
Les ressources de l'entreprise sont bien alimentées par la société d'actionnaires (capital social) et par le collectif de travail (réparation des actifs, remboursement des avances des banques, mises en ressources). L'entreprise est donc bien commune à la société des actionnaires et au collectif de travail.


La vision "bien commun" du travail
La démocratie sociale

La revendication des salariés ne peut pas se réduire à la question des salaires, mais porte avant tout sur le pouvoir que le collectif de travail doit partager avec la société d'actionnaire qui est loin de contribuer seule aux ressources, sans compter les aides publiques (crédits d'impôts, exonérations fiscales et assurance en dernier ressort assurée par l'Etat), ni les aides sociales (exonérations de cotisations sociales).

Au total, le collectif de travail apporte en moyenne les deux tiers des ressources, la société d'actionnaires moins d'un tiers. La revendication juste en matière de démocratie sociale ne peut se limiter à une simple présence au conseil d'administration, celui-ci est fait pour régler les différents entre actionnaires.

Pour mettre en place la démocratie sociale, il faut donner un statut à l'entreprise qui soit différent de celui de la société d'actionnaires et qui reconnaisse la propriété d'usage du collectif de travail sur les ressources.
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* CT = collectif de travail.
** SA = société d'actionnaires pour simplifier la référence. La société a acquis une grande diversité selon sa forme juridique: entreprise individuelle, à responsabilité limitée, unipersonnelle, anonyme ou par actions, etc.