16 août 2019

Une société fraternelle pour la liberté et l'égalité

L'aide publique aux entreprises est devenue si importante que la propriété privée lucrative a perdu tout son sens. Mais les expériences du 20ème siècle ont montré la dangerosité sociale des nationalisations massives qui donnent trop de pouvoir à trop peu de personnes. C'est dans la définition de l'entreprise et la reconnaissance de la valeur constituante du travail qu'il faut investir la question.

Pour renouveler le modèle de l'entreprise, il faut en examiner le moteur financier. La comptabilité est le meilleur des outils pour le faire.

Le fonctionnement de l'entreprise

L'argent constitue le carburant de l'entreprise:
  • La société d'actionnaires apporte le capital social et les banques avancent le reste des ressources en fonction de sa confiance dans le modèle économique qui leur est présenté. Ces ressources sont utilisées pour constituer les actifs de l'entreprise, bâtiments, machines, brevets, réserves financières, etc.
  • Le collectif de travail produit la valeur ajoutée à partir du chiffre d'affaires après déduction des coûts de fournitures et prestations achetées à l'extérieur. Après déduction des salaires, le collectif apporte les profits de l'exercice pour réparer les actifs - les actifs de l'entreprise s'usent au cours de leur utilisation, il faut les réparer; ce sont les amortissements - et pour rembourser les avances des banques. Ce faisant, le collectif de travail complète le capital social et conforte les ressources de l'entreprise, la rendent indépendante.
  • Normalement - quand le modèle économique de l'entreprise est bon - l'exercice produit un bénéfice. Ce bénéfice est susceptible d'alimenter des fonds propres, de rémunérer les actionnaires et de gratifier des salariés pour leurs fonctions particulières et leur engagement .
La comptabilité affiche l'apport des parties constituantes de l'entreprises
Le PIB

Répondant à la question du partage de la richesse posée par Nicolas Sarkozy en 2009, Jean-Philippe Cotis (le rapport) montre que les salaires prélèvent une part stabilisée aux 2/3 de la valeur ajoutée. Le PIB pour la France (somme des valeurs ajoutées des entreprises qui exercent en France) est de 2353Md€ en 2018. Les collectifs de travail ont donc financé l'économie française à hauteur de 784Md€. 

La reconnaissance du travail

Mais le modèle juridique de l'entreprise n'est pas celui de la comptabilité, la société d'actionnaires étant la seule entité à avoir un statut juridique. Ce modèle ne reconnaît pas l'apport constituant du collectif de travail, les salariés étant traités comme de simples fournisseurs de travail; la société d'actionnaires est propriétaire des profits, donc de toutes les ressources et actifs.
Les collectifs de travail sont traités juridiquement comme de simples fournisseurs de travail,
leur contribution aux ressources de l'entreprise est ignorée.
Pour reconnaître pleinement la contribution du collectif de travail, il faut instituer un statut de l'entreprise distinct de celui de la société d'actionnaires, dont société d'actionnaires et collectif de travail seraient les partenaires, chacun ayant, pour la conduite de l'entreprise (conseil d'entreprise) le poids de sa contribution aux ressources de l'entreprise (en moyenne 1/3 pour la société d'actionnaires, 2/3 pour le  collectif de travail).
L'entreprise est le bien commun à la société d'actionnaires et au collectif de travail.
La société d'actionnaires n'est plus propriétaire des ressources de l'entreprise. Elle est propriétaire du capital social et partage avec le collectif de travail le reste des fonds propres, le collectif de travail a la propriété d'usage des fonds propres hors capital social (partagée avec la société d'actionnaires) et du reste des ressources.

La société d'actionnaires ne pouvant vendre ce qui ne lui appartient pas, un groupe ou un fond financier n'aurait plus le droit de vie ou de mort sur l'entreprise en achetant les actions.

Coût du travail

Les politiques sociales menées depuis le début des années 1990 n'ont eu qu'un objectif: baisser le coût du travail. Un document de travail de l'INSEE détaille cette question (le document) au travers d'une approche microéconomique. 

Cette étude montre que le coût du travail varie fortement selon la taille des entreprises et leur secteur. La moitié des entreprises ont un coût du travail de plus de 73%, et un quart inférieur à 44%. Les PME ont un coût du travail de 67% en moyenne, les ETI de 68% et les GE de 59%. Et quand le secteur de la construction verse 82% de sa valeur ajoutée en salaires, celui des activités immobilières n'en ont verse que 31% en moyenne. Le secteur qui a le poids le plus lourd, l'industrie, verse 62% de sa valeur ajoutée en salaire.

Les politiques sociales de baisse des coût du travail n'ont pas tenu compte de cette diversité. Elles ont abîmé la protection sociale sans régler le problème de la compétitivité financière pour la plupart des entreprises. La seule façon de procéder pour régler la question du taux de profit (Profits/valeur ajoutée) en tenant compte de cette diversité est d'alimenter les salaires par cotisation des 2/3 de la valeur ajoutée pour garantir 1/3 de profits à toutes les entreprises. Le salaire disparaît comme élément déterminant sur le marché de l'emploi, seul la qualification et l'expérience du travailleur comptent alors pour tenir un emploi.

Le travail

Est-ce travailler que tondre une pelouse? Cela dépend aujourd'hui. Si le tondeur est un particulier et la pelouse celle de son pavillon, non. Si le tondeur est un employé municipal et la pelouse celle de l'espace public, non seulement il ne travaille pas, mais cette activité coûte (des impôts). Si le tondeur est l'employé d'un prestataire qui a eu le marché de la collectivité locale, il travaille. Dans le système actuel, le travail apparaît quand il crée de la valeur pour la société d'actionnaires, quand il valorise son capital.

Cette vision donne un sens étriqué au travail et exclut la plus grande partie de l'activité humaine.

Salaires et protection sociale

Le pays a besoin de citoyens qui participent pleinement à la vie démocratique, de travailleurs les plus qualifiés qui se bâtissent la plus grande expérience en contribuant à un projet au travers d'un emploi et les meilleurs conditions pour aider les enfants à grandir. Le salaire doit servir ces objectifs.

Le PIB 2018 permet de verser

  • un salaire citoyen de 1800€ à tous les adultes (à partir de 18 ans - le citoyen doit disposer d'un salaire qui lui permet de vivre au niveau du développement économique du pays;
  • un salaire employé à 5 niveaux de qualification séparés de 20% de différence entre niveaux adjacents et d'une carrière de 18 à 60 ans qui double le salaire initial dans chaque niveau;
  • un salaire qui reste au niveau atteint à l'âge de 60 ans;
  • ainsi qu'une allocation de 500€ pour chaque enfant.
Salaires employés bruts
La sécurité sociale a assuré la protection sociale des salariés grâce aux cotisations. Avec ce nouveau système de salaires, seul le risque maladie doit être pris en compte, une cotisation de 12% sur la valeur ajoutée couvre les dépenses de santé en France.
Salaires employés nets
Aujourd'hui, le marché fixe les salaires et la moitié des Français gagnent moins de 1800€ par mois pour permettre à une toute petite minorité de gagner des centaines de milliers d'€ - "il faudrait payer le talent."! C'est le bénéfice qui doit payer le talent, celui des actionnaires qui ont amorcé le financement de l'entreprise et celui des salariés selon leur engagement. Ces revenus ont déjà contribué à la protection sociale au travers de la cotisation sur les profits lors de la distribution de la valeur ajoutée.

Le partage du bénéfice entre société d'actionnaires (dividendes) et collectif de travail (primes) peut se faire sur la base du rapport entre ressources hors fonds propres et capital social. Les fonds propres seraient confortés par un versement de la moitié de chacune des parts.

Impôts

Les impôts sont le carburant des projets de l'Etat. Comme toutes les entreprises ont un statut qui en fait un bien commun, l'impôt pourrait être constitué de la manière suivante:

  • l'impôt sur les personnes, progressif selon la somme des salaires, des primes et des dividendes;
  • l'impôt sur les entreprises, progressif selon la somme des versements à leur fonds propres.
Le système fiscal simplifié améliore sa lisibilité et donc son acceptation.

Pour le 21ème siècle

Le 19ème siècle a été le siècle de la vapeur et a développé les grandes entreprises privées exploitant le travail de la multitude ouvrière, le 20ème le siècle du pétrole, toujours pour la grande entreprise, mais souvent nationalisée. Le 21ème siècle pourrait être celui de l'hydrogène développant une société fraternelle de citoyens cultivés impliqués dans des projets industriels et serviciels nombreux et à taille humaine.

Dans cette société fraternelle, les Hommes ne sont plus en concurrence, mais vivent ensemble, construisent leur bien être en valorisant le travail, favorisent la qualification et l'expérience, encouragent la contribution de chacun à la citoyenneté, soutiennent la liberté et font de l'égalité le principe général de la société. Ils construisent un système économique sur une technologique infiniment moins destructrice de notre planète.