22 avr. 2018

L’antique débat de société

Les interrogations morales et sociales de la Grèce antique face à l’apparition et à l’essor de l’économie marchande sont toujours le moteur des débats politiques du 20ème siècle: individualisme ou collectivisme?

Passant d’une économie naturelle organisant la production, la répartition des activités de travail et la distribution des richesses de façon consciente et collective au sein de petites communautés à une économie marchande confrontant des producteurs indépendants sur le marché, la société se transforme. De nouvelles couches apparaissent et s’enrichissent en même temps que se développe une plèbe de chômeurs alimentée par l’exode paysan produite par la concentration de la propriété foncière, le travail étant majoritairement effectué par des esclaves.

Cette évolution produit une opposition permanente entre riches et pauvre qui perturbe la démocratie triomphant à Athènes à laquelle succède une multitude de régimes dictatoriaux.

Platon (428-343 avant JC) et Aristote (384-322 avant JC) s’affrontent dans le débat politique du moment ; le premier se déclare favorable à la communauté des biens et à l’interdiction de tout échange marchant et d’usage de l’argent ; le second défend la propriété privée au nom de l’efficacité, avec certaines limites.

La monnaie facilite le développement des échanges. L’argent n’est qu’un instrument d’échange de marchandises utiles (M -> A -> M). Il ne sert qu’à établir une valeur d’usage qui permet de satisfaire un besoin. En permettant à chacun de satisfaire son besoin de l’autre, l’argent unifie la Cité.

Mais une deuxième logique apparaît (A -> M -> A’ où A’ > A) qui fait naître une accumulation sans limite de richesse. L’argent n’est plus là qu’un instrument d’échange. Il alimente alors, selon Aristote, une force destructrice de l’unité et de la cohésion de la Cité. Avec le prêt à intérêt, l’argent n’est même plus instrument d’échange : A -> A’.

Si Aristote préconise la propriété privée pour développer la richesse et la cohésion de la société, il proscrit l’accumulation sans limite des richesses et le prêt à intérêt, sources de destruction de l’unité et de la cohésion sociale.

Toujours dans l’optique de la construction d’une Cité harmonieuse, Aristote s’intéresse aussi à la répartition des richesses et des revenus. Hostile à une distribution égalitaire, il milite pour une justice qui consiste à donner à chacun selon son mérite et refuse l’extension de l’économie marchande à la force de travail.

Ce qui permet de construire la valeur des objets à échanger, cette chose commune qui les rende commensurables, c’est le travail. Pour Aristote, c’est la quantité de travail nécessaire à produire une maison, un lit ou un kilo de farine qui permet de comparer leur valeur d’échange.

Notre 21ème siècle nous pose le même problème, l’Homme d’aujourd’hui est confronté au même débat que celui qui animait la Grèce antique et qui a structuré tout le 20ème siècle.