Le siècle s’ouvre sur un sentiment terrible d’incapacité de résoudre des problèmes. L’indignation est largement partagée dans le monde entier. Mais le message Stéphane Hessel qui nous invitait à s’engager n’est pas entendu. Tout se passe comme si nous savions qu’il faut faire quelque chose, mais que nous sommes incapable de le faire.
À Alep, les ennemis de ses ennemis ne sont pas forcément des amis et les civils, après avoir été les premières victimes de la paix sous le régime de Daesh, sont les premières victimes de la guerre que le régime de Bachar el Assad mène contre ses opposants avec plus de vigueur que contre Daesh.
Cette guerre de Syrie a gonflé le flux de migrants qui traversaient la mer Méditerranée ou les montagnes des Balkans. Ces migrations préfigurent la marée humaine qui doit envahir nos riches contrées sous les assauts d’un réchauffement climatique impossible à arrêter faute d’effort de raison et d’excès d’égoïsme à courte vue.
10 000 migrants survivent à Calais, ce sont 10 000 personnes que les autorités veulent effacer avec le démantèlement de la jungle. Mais les autorités ne savent pas vraiment comment faire. Le gouvernement œuvre par étapes, mais la municipalité pousse sous les appels lancés par les acteurs économiques et politiques locaux.
Les renoncements gouvernementaux en matière économique et sociale accentuent la sensation d’un progrès impossible, ou plutôt d’une régression s’imposant régime permanent.
Le malheur des populations vulnérables n’ébranle plus les cœurs et l’autre est rejeté. Le repli sur soi marque ce commencement de siècle et ne sont que le syndrome d’une indignation qui ne parvient pas à s’engager.
Porteuse d'humanisme et de solidarité internationale, la CGT affirme que seul le combat pour la justice sociale fera reculer les guerres, le terrorisme, le fondamentalisme, la xénophobie, le racisme et l'obscurantisme.
Les propositions de la CGT ne sont pas seulement un catalogue de recettes toutes faites. Elles s’imposent à nous, militants et nous devons les travailler pour en faire des sources d’innovation comme l’a fait l’UGICT pour les retraites complémentaires et le statut cadre.
Il y a un an, je me trouvais à Lyon pour la conférence nationale des cadres de la fédération CGT des activités postales et de télécommunications. Bernard Friot nous y présentait une mise en œuvre originale des repères revendicatifs qu’il nomme « salaire à vie » : chaque adulte serait gratifié d’un salaire correspondant à sa qualification dès l’âge de 18 ans et jusqu’à sa mort. Ce salaire serait alimenté par une cotisation des entreprises sur leur valeur ajoutée.
Naturellement, après son intervention, Bernard Friot a eu droit à la première objection qui vient à l’esprit à propos d’un salaire à vie pour chacun : « Si j’ai un salaire à vie, j’arrête de travailler. »
La proposition de nouveau statut du travail salarié de la CGT donne le meilleur outil de mise au travail : la carrière. Les repères revendicatifs prévoient un saut de 20% entre deux qualifications adjacentes et une carrière qui double le salaire initial.
Depuis le milieu des années 80 du siècle dernier, les salaires représentent les deux-tiers du PIB, les profits un-tiers.
Compte tenu de la répartition des qualifications en cinq niveaux (INSEE), compte tenu de la répartition des âges (INED) et en faisant l’hypothèse d’une distribution linéaire des âges entre les qualifications, la répartition des deux-tiers du PIB donne le tableau des salaires suivant :
Les salaires à vie produits par le PIB actuel |
La couverture du chômage et de la vieilles est assurée naturellement par le salaire à vie. IL ne reste plus qu’à couvrir le risque de la maladie. La cotisation proportionnelle au revenu est la plus belle invention sociale du dernier siècle.
L’UGICT a beaucoup travaillé sur l’entreprise et c’est tout naturellement qu’elle a voté en sa première résolution l’engagement à agir pour un nouveau statut de l’entreprise distinct de celui de la société d’actionnaires.
Résolution du 17ème congrès de l'UGICT où elle s'engage pour un nouveau statut de l'entreprise |
Cette résolution est largement due aux travaux de recherche menés par Blanche Segrestin et Armand Hatchuel à l’école des Mines et poursuivis depuis au sein du collège des Bernardins.
Dès maintenant, nous pouvons utiliser cette proposition pour analyser les résultats que nous présentent régulièrement les directions. Une analyse est une évaluation d’un certain nombre des résultats à l’aune de repères normatifs.
La confusion entre société des actionnaires et entreprise n’est pas tenable et il est nécessaire de refonder l’entreprise.
En moyenne, la société des actionnaires d’une entreprise française fournit un-tiers des ressources de l’entreprise. Le reste est fourni par les banques remboursées au fil des exercices en prélevant une partie de la plus-value. Pourtant le résultat des exercices est considéré comme propriété des actionnaires qui le placent éventuellement ailleurs que dans l’entreprise s’ils trouvent rendement plus fort.
Pour qu’ils soient ajustés à la réelle contribution des actionnaires, les dividendes ne doivent pas excéder le tiers des profits. Le reste doit être mis en réserve systématiquement dans les ressources de l’entreprise. Cela constitue le corps normatif d’analyse CGT des comptes d’entreprise, selon moi.
Les directions d’entreprise affichent des indicateurs qui correspondent aux intérêts défendus par le PDG missionné par la société des actionnaires.
Avec notre nouvelle vision de l’entreprise, nous avons une nouvelle grille d’analyse des résultats de l’entreprise. Elle souligne l’importance de la durabilité du bien commun au capital et au travail. Le montant de la mise en réserve est plus important pour la vie de l’entreprise que l’EBITDA qui mesure surtout le poids des salaires dans la valeur ajoutée.
Dans les années trente du siècle dernier, nous n’avons pas su éviter la guerre et briser les cercles vicieux à temps. Le vingtième siècle saura-t-il éviter la troisième guerre mondiale et faire les réformes économiques et sociales susceptibles de briser les cercles vicieux qui nous y conduisent.