La fuite financière qui pèse sur l’entreprise réside-t-elle vraiment dans les « charges salariales » ?
« Le profit d’aujourd’hui fait l’investissement de demain et l’emploi d’après-demain. » Le théorème d’Helmut Schmidt s’est imposé au milieu des années 1970 et, depuis, il fonde toutes les politiques économiques.
Un PIB de 2000 Md€ |
Il est facile de montrer qu’un pays qui le met en œuvre voit son économie se développer dans un premier temps : le Royaume Uni des années Thatcher, l’Allemagne issue des réformes Hartz-Schroeder. Mais cet avantage de compétitivité n’est qu’une distorsion de concurrence tout à fait provisoire qui n’enrichit qu’une toute petite minorité, appauvrit de plus en plus de monde et tue l’activité.
Nous sommes 66 M d’habitants, 29 M d’actifs dont 26 M d’occupés avec 5 M de fonctionnaires et 2,5 M d’indépendants ; 3 M de chômeurs.
Nous sommes 66 M d’habitants, 29 M d’actifs dont 26 M d’occupés avec 5 M de fonctionnaires et 2,5 M d’indépendants ; 3 M de chômeurs.
Chaque année, la France produit un PIB de 2 000 Md€ environ : 700 Md€ de profits, 1 200 Md€ de salaires, 100 Md€ de revenus pour les indépendants.
Les 700 Md€ sont utilisées à des fins domestiques pour un montant de 300 Md€ et réinvestit dans les entreprises au prix du marché des capitaux à hauteur de 400 Md€.
Il y a du travail dans les rémunérations des indépendants (100 M€). Dans les salaires, 500 Md€ alimentent les salaires du privé et 700 Md€ les salaires des fonctionnaires et les allocations sociales diverses.
Capital et profits
Le poids des capitaux propres dans les ressources de l’entreprise est en moyenne de 35%. Le dividende qui devrait être versé aux actionnaires devraient donc être de 35% des 700 Md€, soit 250 Md€ ; le reste, 450 Md€, devrait rester dans l’entreprise.
Le poids des capitaux propres dans les ressources de l’entreprise est en moyenne de 35%. Le dividende qui devrait être versé aux actionnaires devraient donc être de 35% des 700 Md€, soit 250 Md€ ; le reste, 450 Md€, devrait rester dans l’entreprise.
Les actionnaires apportent des ressources et une caution à l’entreprise. Actuellement, ils se paient à volonté sur les profits de l’entreprise, des fois aussi sur les ressources de l’entreprise, comme à Orange, quand ils jugent les profits insuffisants. Ainsi, le coût du capital n’apparaît pas comme une charge.
Pour que le coût du capital soit intégré dans l’économie de l’entreprise, il faut que la rémunération des ressources fournies et que le coût de la caution soient visibles dans le compte d’exploitation :
- La caution pourrait être prélevée avec le remboursement de la dette à un taux fixé annuellement par secteur économique ;
- La rémunération des ressources fournies pourrait être prélevée sur le résultat après impôt au taux fixé par la part des capitaux apportés effectivement par la société des actionnaires aux ressources de l’entreprise.
Après le versement de toutes les charges (salaires, remboursement annuel des dettes, intérêts et caution, amortissement, impôt sur les entreprises et rémunération des actionnaires), le bénéfice dégagé en fin d’exercice serait affecté entièrement aux ressources propres de l’entreprise, supprimant ainsi tout coût financier aux investissements annuels.
Les revenus du capital contribuent comme ceux du
travail aux dépenses de sécurité sociale.
Travail et salaires
S’il est possible de déterminer un plancher à un salaire en fonction d’un panier de consommation donné, il est bien difficile de fixer un plafond. Quel que soit son salaire, chacun ne le juge pas trop élevé, mais juste rémunération de son service.
Quel peut être le principe d’un juste salaire ?
Actuellement, c’est la rémunération individuelle « au mérite » qui a cours, avec une forte dépendance au secteur et à la branche. Mais les budgets d’augmentation des salaires sont tellement réduits, que « le mérite » est bien peu gratifié. Et les primes, dans le cadre d’un budget toujours réduit, vise plus l’évitement de cotisations sociales que la gratification.
Depuis la révolution américaine, l’histoire, le récit fondateur est celui des droits de l’homme. Si chacun vit très bien le privilège dont il peut bénéficier, le principe d’égalité est très répandu.
Pourtant, l’inégalité s’aggrave de façon considérable. Or elle a un prix : à la fois cause et conséquence de la faillite du système politique, elle alimente, au sein du système économique, une instabilité et une inefficacité qui l’aggravent à leur tour, nous dit Stiglitz.
Initiale, ou obtenue tout au long de la vie et valorisant les acquis de l’expérience, la qualification est une valeur forte dans le parcours professionnel. Mais le poids donné à la formation initiale en France disqualifie ce paramètre comme étalon de la rémunération, au moins dans le discours.
Avec cinq niveaux (sans qualification, CAP-BEP, Bac, supérieur court et
supérieur long), un écart de 20% entre deux niveaux en moyennes et une
carrière doublant le salaire initial en vingt ans, compte tenu de la
répartition des actifs sur ces niveaux et de la masse salariale d’une
année de PIB, les salaires mensuels permettraient d’assurer un minimum
d’égalité et un déploiement de carrière.
Salaire socialisé |
Le désir de carrière pour augmenter son salaire et la poursuite d’une augmentation de sa qualification tout au long de sa vie seraient les principales motivations de son engagement.
Bien sûr, ce sont des salaires bruts sur lesquels une
cotisation est prélevée pour financer la sécurité sociale universelle, comme
les revenus du capital.
Considérant que le travail couvrait une notion beaucoup plus large que
l’emploi, Bernard Friot va plus loin sur la rémunération du travail et
parle de salaire à vie que chacun recevrait à partir de l’âge de 18 ans.
Salaire à vie |
Le salaire à vie sans l’emploi constitue peut-être un saut trop grand, trop éloigné des mythes qui portent la société actuelle. Mais les chiffres montrent bien le niveau de richesse du pays capable d’ores et déjà de fournir à chaque citoyen un salaire à vie de 1663,99 € à 2995,19 € selon cinq niveaux de qualification.
Les indépendants
Un salaire socialisé, salaire employé ou à vie, n’interdit pas l’existence du statut d’indépendant ou d’entrepreneur. Ce serait d’ailleurs le moyen pour chacun de « faire fortune », d’ajouter du revenu à son salaire en capitalisant dans un atelier, un commerce ou une entreprise par la création ou par la souscription au capital d’une entreprise existante.
L’indépendant obtiendrait un salaire socialisé auquel contribuerait 60% de la valeur ajoutée de l’affaire, ainsi que le bénéfice.
Une société coopérative
tout le monde vive de travail personne n’utilise sa rente pour dominer les autres |
Que tout le monde vive de travail, que personne – ni individu, ni groupe d’individus – n’utilise sa rente pour dominer les autres.
La domination est probablement à l’origine du développement de l’agriculture et de l’élevage, il fallait bien nourrir les constructeurs des palais démesurés que les tyrans du sud de la Turquie ont bâti. Si la domination s’est toujours imposée à l’Homme, la libération est bien le moteur de qui le fait bouger. L’Homme du 21ème siècle bougera aussi.
Le modèle coopératif construit sur le bénéfice bien commun et le salaire socialisé sont les outils de libération du 21ème siècle. Il ne signifie pas la fin de l’Histoire, mais constitue un grand pas pour d’autres combats. Il faudra toujours se défendre contre les abus d'autorité produits par les relations humaines, dans l'entreprise, en particulier contre la subordination hiérarchique qui ne saurait disparaître avec la suppression de la subordination du travail au capital.
Les dépenses de l’État seraient bien sûr couvertes
par l’impôt sur les entreprises et l’impôt sur les revenus du capital comme
ceux du travail. Et l'impôt ne serait pas instrumentalisé pour orienter l'économie, pratique qui ote toute transparence à la politique économique effectivement menée.