![]() |
75 ans de PIB français |
Les réformes conduites depuis le milieu des années 1970 prennent prétexte de "la crise" qui aurait rendu obsolètes les institutions construites aux débuts des "trente glorieuses" présentées comme l'âge d'or de l'Etat providence.
mais la plupart des Français n'en profitent pas !
Aujourd'hui, les Français ont perdu tout espoir d'amélioration sociale avec des autorités prêtes à tout soutraiter, même son rôle de donneur d'ordre (scandale McKinsey). Après avoir substitué la gouvernance démocratique de la sécurité sociale par le paritarisme, après avoir remplacé l'entreprise dans le paiement d'une partie des salaires par l'Etat, après avoir complexifié la fiscalité,
L'état de la France ne s'est pas déterioré !
Mes parents étaient un couple de Français moyens ; ma mère avait sacrifié sa carrière pour s'occuper de la maison ; mon père. Ils n'ont pas vécu ces années comme cet âge d'or décrit aujourd'hui qui aurait disparu avec les transformations exogènes du monde. Ils ont subi la pénurie de logement aux début de leur vie commune, la faiblesse du salaire qui n'a évolué vraiment qu'autour du début des années 1970 après le mouvement de 1968. Mais ils ont pu assurer à leurs enfants une formation qui leur a donné un travail intéressant et mieux rémunéré.
Nous, les baby-boomer, nous avons vécu mieux que nos parents et nous allons quitter la vie en laissant à nos enfants 9 000 Md€ en hériage d'ici 2040. La France est de plus en plus riche.
C'est la politique menée au profit d'une minorité qui a dégradé la situation de la plupart d'entre nous relativement à notre richesse commune.
Quelles sont les mécanismes de cette anomalie ?
Le premier mécanisme de ce vol consiste à invisibiliser le collectif de travail légitime à revendiquer la propriété d'usage sur la valeur ajoutée. Il a été démontré que les salaires représentaient 2/3 des valeurs ajoutées depuis le milieu des années 1980 (Cotis, 2009). Les collectifs de travail cèdent donc 1/3 de leur valeur ajoutée à l'entreprise (qui n'existe pas plus que le collectif de travail) donc à la société d'actionnaires, seule personne morale qui a une existence juridique.
Le statut juridique des unités de production reste enfermé dans le carcan du code Napoléon qui invisibilise le collectif de travail et l'entreprise. Il nie l'existence du collectif de travail et traite chaque salarié comme un simple fournisseur de travail. Il nie la propriété du collectif de travail sur la valeur ajoutée et fait de ce qui devrait être considéré comme une cotisation économique du collectif de travail dans l'entreprise, l'excédent d'exploitation que cherche à grossir la société d’actionnaires au détriment des salaires. Il nie l'existense de cet objet social qu'est l'entreprise constituée de la société d'actionnaires et du collectif de travail.
Le code Napoléon (loi du 8 mars 1804) définit la société comme "un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter." La société d'aujourd'hui présente, en d'autres termes, les mêmes dispositions générales. Elle regroupe des actionnaires qui mettent en commun une partie de leur argent pour former le capital social, la première pierre des fonds propres de l'entreprise. C'est la société d'actionnaires, le seul acteur de la production reconnu par la loi comme personne morale, collectif de travail et entreprise n'existent pas dans la loi. L'entreprise est l'environnement dans lequel collaborent actionnaires et travailleurs pour produire, mais reste formalisée dans un ensemble de contrats passés par la société d'actionnaires avec des fournisseurs (dont les travailleurs) et des clients.
"Le collectif de travail désigne un ensemble de personnes qui partage en commun des règles de métiers, qui respecte les façons de faire l’activité de chacun et qui participe à soutenir les stratégies de préservation de la santé de chacun." (Caroly, 2016). "La santé se dégrade en milieu de travail lorsqu’un collectif professionnel devient une collection d’individus exposés isolément, résultat maintenant bien acquis en clinique de l’activité." (Caroly, Clot, 2004.) Le collectif de travail a une existense essentielle et interne au travail, mais aussi en externe comme partie constituante de l'entreprise - unité de production où capital et travail .
Le deuxième mécanisme de ce vol consiste à exonérer les sociétés des "charges sociales" ce qui ampute les salaires de 80 Md€ par an, partiellement remplacés par des impôts largement supportés par les salariés.
Le troisième mécanisme consiste à remplacer les impôts sur le revenu des plus riches personnes morales (dont les revenus atteignent l'imposition marginale à 45%) par des impôts sur "les entreprises" (dont le taux d'imposition est largement inférieur).
L'exonération des sociales et fiscales, ainsi le transfert d'impôts sur le revenu ou l'augmentation de patrimoine aux personnes morales alimente 211 Md€ "d'aides publiques" qui creusent les déficits de la sécurité sociale comme de l’État.et enlève énormément de légitimité à la propriété privé des moyens de production..
Alors qu'en moyenne, les collectifs de travail cèdent à l'entreprise le tiers de la valeur ajoutée qu'ils produisent (Cotis, 2009), les sociétés d'actionnaires s'attribuent cette contribution au bien commun et l'accroissement de richesse que ses actionnaires en retirent est exorbitante. Aujourd'hui cette richesse met en danger la démocratie et prive la plupart des citoyens de l'abondance produite par notre société.
Nous on peut.
Une fois acquise la réforme instituant collectif de travail et entreprise, ainsi que gouvernace partagée de l'entreprise entre société d'actionnaires et collectif de travail selon le rapport de force créé par les poids respectifs de chacun dans les fonds propres, nous pouvons imaginer :
- une distribution (très égalitaire) des 2/3 du PIB national entre tous les citoyens alimentée par la cotisation de chaque entreprise des 2/3 de leur valeur ajoutée gérée démocratiquement rémunérant qualification et expérience :
- une mise en fonds propres d'un tiers du bénéfice (report à nouveau) ;
- une gratification de la société d'actionnaires et du collectif de travail selon le rapport de force créé par les poids respectifs de chacun dans les fonds propres entre chaque partie consituante distribuant (de façon très inégalitaire) cette gratification à ses membres (dividendes et primes) selon les critères qu'elles choisissent ;
- un financement des dépenses de santé, seul risque social exogène, sans déficit sur le PIB ;
- un financement des dépenses de l'Etat sans déficit par quatre impôts sur les personnes physiques seulement (impôt très égalitaire sur les salaires, impôts très inégalitaires sur les gratifications et sur les successions, taxes sur la consommation à but politique).
Les gouvernements de gauche comme de droite qui se sont succédés à la tête du pays ne savent pas nous sortir de l'échec dans lequel ils nous ont jeté. Cet exercice d'ingénierie sociale nous montre que le modèle dans lequel nous enferme leur idéologie n'a rien d'inéluctable.
---
Références
Caroly S., 2016, « Collectif de travail », in Valléry G., Bobillier-Chaumon M.-E., Brangier E. Dubois M. (sous la direction de), Psychologie du travail et des organisations, Paris, Dunod.
Caroly S., Clot Y., 2004, « Du travail collectif au collectif de travail, développer des stratégies d’expérience », Formation emploi, 88 : 43-55.
Cotis, J.-P. (2009). Partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunérations en France. Paris: Présidence de la République.
