10 mai 2021

Lettre à François Boulo sur le beau résultat de son itinéraire

"François Boulo est l’une des figures les plus charismatique du mouvement de Gilets jaunes. Ce livre (reprendre le pouvoir), est l’histoire de son combat, depuis la sortie de ce qu’il nomme son « coma politique ». Il fait œuvre d’éducation citoyenne et populaire en restituant les connaissances accumulées lors de son cheminement intellectuel pour déconstruire le néolibéralisme et proposer une nouvelle lecture de la situation politique actuelle." [Les Liens qui Libèrent]

Il est vrai que ton origine intellectuelle ne te prédestinait pas à l'écriture de ce livre, tant le discours est éloigné d'un enfant d'une famille de droite plutôt populaire, avec de Gaulle souvent cité en référence, avec le travail en valeur centrale pour la vie. Mais, par un effort personnel à la suite des échanges vécus au sein du mouvement des gilets jaunes, tu t'es construit un modèle de la société qui t'a libéré de la vision "mainstreem" (courant dominant) qui enchaîne les citoyens d'une démocratie virtuelle lancée dans une trajectoire suicidaire. [Praxis]

Après la description des prisons qui nous enferment et nous dessaisissent de notre pouvoir démocratique (l'idéologie dominante et les institutions européennes), celle des gardiens de prison qui confortent l'ordre établi, tu nous montre comment ce libéralisme économique extrême non plonge dans la spirale de la dérive autoritaire apparue à la fin du mandat présidentiel Hollande: un appel à la remise en question.

Mais ton état des lieux tend à laisser penser que l'économie va mal: baisse de la croissance et explosion du chômage. La baisse de la croissance cache une vitalité incroyable de l'économie. Les quarante dernières années de sont pas les années piteuses sensées justifier l'accroissement de la pauvreté et de la précarité. Elles ont été portées par une incroyable vitalité technologique et de productivité. 

L'évolution du PIB et celle de la croissance sont opposées.

Si l'innovation détruit l'emploi, c'est que son bénéfice est capté par le capital - ce qui est effectivement le cas grâce à l'absence d'une existence juridique de l'entreprise. En fait, seule la société d'actionnaires existe, centre d'un ensemble de contrats qu'elle passe avec ses fournisseurs, ses salariés et ses clients. C'est elle qui reçoit l'argent de ses clients et rémunère ses fournisseurs et ses salariés. La valeur ajoutée (chiffre d'affaires cédé par les clients en contrepartie des services et des produits issus du travail des salariés moins l'ensemble des factures payées aux fournisseurs) lui appartient.

Pour éradiquer la pauvreté, il est nécessaire de développer une vision plus réaliste de la production: si le capital social appartient bien à la société d'actionnaires, la valeur ajoutée est bien produite par le collectif de travail qui est légitimement propriétaire du profit (Valeur ajoutée = salaires + profits). Ce profit sert à rembourser les dettes et à conforter les actifs (amortissements). Une fois toutes les charges payées, le bénéfice peut être mis en fonds propres ou distribué en primes aux salariés ou en dividendes aux actionnaires.

Aujourd'hui, le pays est victime de la confiscation des profits par les propriétaires du capital social et d'une très grosse partie des salaires par des grands patrons surpayés qui gravent des gratifications peut-être légitimes dans le marbre de salaires exorbitants.

Moi aussi j'ai mis du temps à me donner une vision de la société qui me permettre de participer aux débats sans dépendre de personne, ou plutôt sans reprendre les arguments de groupes qui poursuivent des buts auxquels je n'adhèrerais pas. J'ai fait le point de l'état de mes réflexion dans ce petit livre: "éradiquer la pauvreté".

Le capitalisme a mis quatre cents ans à s’émanciper du féodalisme où l'économie était fondée sur l'exploitation de la paysannerie par l'aristocratie dans le cadre de la seigneurie. Depuis deux siècles, il maintient les travailleurs sous la pression du marché du travail.

Ce texte propose de démocratiser l’entreprise et de démarchandiser le travail pour éradiquer la pauvreté et faire de la société l’environnement créé par l’humanité du 21ème siècle propice à l’émancipation de chacun. 

Le Média a fait une belle présentation de ton livre. Je tenais à te faire part de mes commentaires.