La devise de notre République, "Liberté, Egalité, Fraternité", apparaît un an après la prise de la Bastille, en 1790. Elle figure dans des documents officiels de la République à partir de 1793. Mais elle ne s'impose comme emblème officiel qu'à partir de 1848, dans la Constitution de la Deuxième République et devient vraiment officiel sous la Troisième République, à la fin du 19ème siècle avec la loi du 14 juillet 1880 qui promulgue la fête nationale et marque l'installation durable sur les frontons des bâtiments publics. Elle est inscrite à l'article 1er de la Constitution de la Cinquième République (1958).
La devise vient tout droit des Lumières du 18ème siècle et de la critique de la monarchie absolue par Rousseau, Voltaire ou Diderot qui défendent la Liberté comme droit naturel de l'individu, l'égalité contre les privilèges de la noblesse et du clergé et la fraternité pour une conception humaniste de la société.
Elle subit les effets des tensions et des espoirs successifs de la France depuis la Révolution : dans la lutte contre les ennemis du Peuple elle porte la vertu républicaine, sous la terreur elle porte l'intransigeance "jusqu'à la mort", Napoléon 1er l'abandonne au profit de la gloire de l'empire, la Restauration l'efface comme suspecte de subversion. Mais les cercles républicains, les loges maçonniques et les écrits populaires la gardent vivantes. Et la deuxième République en fait sa devise officielle.
Eclipsée par le régime autoritaire du Second Empire, elle s'impose comme symbole républicain officiel avec la Troisième République, est inscrite sur les frontons des mairies, des écoles, des bâtiments publics pour affirmer les valeurs républicaines contre les royalistes, les cléricalistes et les nationalistes. Après l'exil de Napoléon III, les royalistes se marginalisent sur la scène politique avec la fin du Boulangisme. En acceptant la Laïcité, les cléricalistes ont normalisé leurs relations avec la République dans un contexte d'anticléricalisme ambiant.
Avec la seconde guerre mondiale et le vote des pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain, la devise s'efface au profit de celle de la Révolution nationale : "Travail, Famille, Patrie". Mais elle revient dans la Constitution de 1946 de la Quatrième République et se voit confirmée dans la Constitution de 1958 de la Cinquième République.
Aujourd'hui, le développement des inégalités sous couvert de liberté d'entreprendre, la multiplication de la ploutocratie dans le monde avec le poids de la richesse accumulée par une minorité met en danger la démocratie, aux Etats-Unis maintenant avec l'arrivée au pouvoir de Trump comme en Russie tombée dans la main de l'oligarchie russe, le monde à la main des empires.
La Fraternité a souvent été considérée comme la troisième roue de la brouette, pas assez concrète. Elle serait bien utile pour répondre au défi des migrations dues aux conflits et au dérèglement climatique.
Liberté et Egalité apparaissent contradictoires, le code napoléonien imprime toujours sa marque en France qui a toujours privilégié la liberté.
Mais la liberté est aussi constituée par l'absence de toute domination (J-F Spitz, 2022). Le projet républicain ne peut aboutir sans chasser la domination de la société. "La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres". Aujourd'hui, la liberté d'entreprendre centrée sur les seuls apporteurs en capital met le salarié sous la domination de l'employeur, l'apport du collectif de travail (la marge d'exploitation) dans la constitution de l'entreprise.
Seule la société dispose d'un statut juridique, Le collectif de travail (S. Caroly, 2016) se fait dérober ce qu'il apporte aux ressources de la société d'actionnaires (société des propriétaires du capital social) grâce à l'inexistence juridique du collectif de travail et à l'inexistence juridique de l'entreprise constituée seulement de la société d'actionnaires et des contrats qu'elle passe avec les fournisseurs, les salariés, etc. Pour faire de l'entreprise un objet républicain, il faut lui donner un statut juridique distinct de celui de la société d'actionnaires (UGICT-CGT, 2014).
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Document d'orientation voté au 17ème congrès de l'UGICT-CGT (2014) |
Cette résolution est d'abord justifiée par la justice concernant la reconnaissance de l'apport de la contribution du collectif de travail, mais elle constitue le seul moyen de faire entrer la question climatique dans l'entreprise.
Cette question doit entrer dans les valeurs de la République.
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Ouvrir la République à la question climatique. |