6 mai 2020

Comprendre la valeur économique de son travail

La crise sanitaire du Covid-19 a montré à quel point la valeur économique des métiers de la santé, celle des caissières ou celle des postiers, celle des enseignants, était éloignée de sa valeur d'usage qui mesure l'utilité du métier à la société. Actuellement, c'est le marché du travail qui donne au travail sa valeur économique vite assimilée à son utilité. Pour comprendre la valeur économique de son travail, il faut évaluer la contribution de chacun à la société.

La France était peuplée de 50,7 M d'adultes (plus de 18 ans) et de 14 M d'enfants (moins de 18 ans) en 2018 selon l'INSEE (les données). Le PIB était de 2 286 Md€. Et, selon le rapport Cotis 2009 (partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunérations en France), les deux tiers sont distribués en salaires et un tiers constitue les profits apportés aux entreprises et aux autres institutions économiques.

Il est clair que la répartition actuelle des salaires ne permet pas de se rendre compte de l'apport de chacun, la différence entre le RSA (564,78 € par mois pour un adulte seul sans enfant) et le salaire de Bernard Arnaud (288 914 € par mois en moyenne) ne permet pas de construire un repère commun. La fortune de Bernard Arnaud et de sa famille (plus de 88 Md€) constitue un repère pour lui seul - ce n'est pas un repère commun

En 2018, le citoyen français (l'adulte) produit en moyenne 3 756,37 € par mois, en garde 2 504,25 € comme salaire et fournit (cotise) 1 252,12 € à l'économie. C'est un premier repère commun, mais la moyenne est une notion complètement virtuelle.

La société a besoin de qualification et d'expérience. Il faut encourager chacun a acquérir l'une et l'autre. Pour cela, il faut valoriser la qualification, par exemple en valorisant le passage d'un niveau de qualification au niveau supérieur à 20% du premier, et l'expérience en doublant le salaire initial à la fin d'une carrière complète.
  • En première approximation, il est possible utiliser le diplôme le plus élevé comme niveau de qualification: il peut évoluer avec la formation tout au long de la vie ou la validation des acquis de l'expérience. Ce niveau de qualification est le suivant: 18% sans qualification, 17% CAP-BEP, 23% le Bac, 16% bac+2, 10% licence, 15% master et 1% doctorat qu'on peut regrouper en cinq niveaux: 35% N1, 23% N2, 26% N3, 15% N4 et 1% N5.
  • Pour encourager l'expérience au sein d'un collectif de travail mis au service d'un projet, imaginons de construire une carrière qui assure le doublement du salaire initial (dès 18 ans,  formation initiale prise en compte tout au long du parcours) en fin de carrière (à 60 ans). Chaque année non mise au service d'un projet verrait le salaire stagner. A partir de 60 ans, le salaire resterait fixé au niveau qu'il a atteint durant le parcours, même si la personne reste au service d'un projet.
Ces principes de répartition permette de calculer la masse salariale qui représente les deux tiers du PIB selon le rapport Cotis, depuis le milieu des années 1980 et permet de fournir le tiers du PIB aux entreprises et institutions économique: 762 Md€.

Calcul de la masse salariale
En ajustant les chiffres pour que la somme des termes de la matrice de droite, la masse salariale, soit égale aux deux tiers du PIB, on obtient les salaires selon qualification et expérience de chacun. Le calcul fait pour tous les adultes donne le tableau suivant pour 1 524 Md€ répartis.

Répartition des salaires entre tous les adultes sur le PIB 2018
Mais le travail produit toute la valeur ajoutée qui pourrait être répartie entre tous les travailleurs (2 286 Md€ en 2018), ceux-ci cotisant ensuite pour investir dans chaque entreprise. Les salaires ajustés à 2 286 Md€ deviendraient alors les suivants.

Répartition de la valeur ajoutée entre tous les adultes sur le PIB 2018
Avec cette présentation, il apparaît bien que le travail investit pour développer les entreprises. Sur 2018, le travail a fourni 762 Md€ dont 328 Md€ ont été donnés en primes et dividendes. La cotisation est le mode d'investissement du travail. C'est ainsi qu'il produit la sécurité sociale pour couvrir les risques de la vie.

Le capital coût cher: à ce coût financier s'ajoute le coût budgétaire des exonérations sociales et fiscales (200 Md€) et le coût économique d'un défaut d'investissement nouveau (Revenus distribués/formation nette de capital passé de 50% à 200% en 40 ans.

Personnellement, bachelier à 18 ans, titulaire d'une licence à 21 ans, après une carrière plus que complète (18 à 63 ans), ingénieur DPE à 37 ans, ergonome (master 2 à 54 ans) j'aurais eu le parcours salarial suivant:

Ma contribution à la sécurité sociale et à l'entreprise et mon salaire net tout au long de ma carrière
Cette carrière, je l'ai menée au sein de la DGT (Direction Générale des Télécommunications) des PTT devenue France Telecom, puis Orange. Mon travail a été utilisé en trois parties à peu près égales pour l'entreprise (879 K€), la sécurité sociale (897 K€) et ma vie, ainsi que celle de ma famille (862 K€) dont une partie en impôts pour l'Etat. Tout au long de ma vie, j'ai en effet payé des impôts pour financer l'Etat. Après 60 ans ma cotisation constituerait un budget que je pourrais mettre à la disposition du projet de mon choix: l'entreprise H2X. Chacun peut reconstituer son parcours de la même façon et revendiquer ses droits:
  • le droit de voter pour mes représentants dans les structures de l'Etat, de bénéficier des services de l'Etat et des collectivités territoriales et d'intervenir en politique;
  • le droit de voter pour mes représentants à la sécurité sociale, de bénéficier de la protection sociale et d'en faire bénéficier ma famille et d'intervenir moi-même dans la gouvernance, pas besoin d'Etat;
  • le droit de voter pour mes représentants au conseil d'entreprise dont je partage le propriété d'usage avec mes collègues, de bénéficier des infrastructures matérielles et humaines de l'entreprise pour mener mon parcours et d'intervenir dans les décisions stratégiques;
  • le droit de disposer de mon salaire net pour moi et ma famille, ainsi que les causes pour lesquelles je milite.
Chacun peut faire cet exercice pour comprendre à quel point son travail est mal reconnu actuellement et pour imaginer une société de liberté, plus égalitaire et plus fraternelle.