17 avr. 2020

Quel modèle de société pour demain en lien avec le changement climatique?

Le mouvement des gilets jaunes commencés à la fin de l'année 2018 après les nombreuses manifestations contre les lois travail sous la présidence Hollande et aux débuts de celle de Macron, les mobilisations des personnels soignants réunissant aides soignantes, infirmières et médecins, les manifestations des jeunes pour le climat et les alertes du GIEC ont affiché l'urgence sociale et climatique produite par notre modèle économique.

La crise sanitaire produite par la diffusion du virus Covid-19 et l'incapacité de nos systèmes de santé d'absorber le flux des malades nécessitant un traitement  a poussé les gouvernements à déclarer l'état d'urgence et à nous priver de notre liberté de déplacement. Le président de la République s'est adressé au Français le 13 avril.

L'attaque de ce virus Covid-19 contre les Hommes, contre leur société, montre combien l'humanité fait corps, combien nous sommes tous dépendants les uns des autres. Les premiers de cordée sensés plus intelligents que les autres doivent comprendre.

Plus que d'un nouveau modèle économique, le monde d'après a besoin d'un nouveau modèle de société préservant la liberté et produisant l'égalité intelligente qui permet de faire société, dans la fraternité mise en oeuvre par la solidarité organisant les relations entre ses membres.

Le Medef et le gouvernement feront-ils les Gaulois réfractaires qu'il décriaient autrefois lorsqu'il s'agira de mettre en oeuvre les réformes nécessaires?

La finance

La finance, l'ennemi de François Hollande quand il est dans l'opposition, est nécessaire aux ménages et aux entreprises. Trop grosse pour disparaître (too big to fail), la banque peut prendre tous les risques qu'elle veut, l'Etat sera toujours là contraint à la sauver: En 2008, elles n'ont pas hésité à titriser des dettes risquées et à les échanger intensément pour en augmenter la valeur. Aidées par les Etats, elles ont fait exploser les dettes publiques et imposé dix années d'austérité - pas pour tout le monde, les inégalités ont explosé.

Quelle est la mission de la finance?
  • vis à vis des ménages: la banque évalue la capacité des revenus du ménage à dégager suffisamment de fonds pour vivre et pour rembourser l'avance qui complète son épargne pour acheter (son domicile en particulier).
  • vis à vis des entreprises: la banque évalue la capacité du modèle économique du projet de l'entreprise pour entretenir ses actifs et rembourser l'avance qui complète l'apport de la société d'actionnaires (le capital social) pour que les ressources suffisent à réunir les actifs nécessaires à la mise en oeuvre du modèle économique de l'entreprise.
Nos "réformateurs" prennent souvent l'Allemagne pour modèle dont le système financier joue bien ce rôle. Contrairement à la France, cette finance vertueuse est portée par les "Spar Kasse" qui drenne dans chaque localité l'épargne de habitants qui participent à leur gestion au bénéfice des entreprises locales.

Une réalité complexe

Les politiques conduites depuis une quarantaine d'années avaient un fondement simple: les salaires coûtent trop cher et pèsent sur la compétitivité des entreprises, mais la réalité est plus complexe.

Le travail coûte trop cher?
  • Depuis le milieu des années 1980, les salaires pèsent les deux-tiers de la valeur ajoutée en France;
  • Mais ce poids est une moyenne vraie pour un quart des entreprises, la moitié des entreprises verse trois-quarts de leur valeur ajoutée en salaire, un quart moins de la moitié;
  • Les exonérations de cotisations sociales indifférenciées pour toutes les entreprises pénalisent les salariés, sont insuffisantes à la plupart des entreprises et constituent une aubaine pour un quart d'entre elles.
Le capital coûte trop cher.
  • Le coût financier de la distribution de dividendes trop lourde par rapport aux résultats des entreprises - En 2009, au plus fort de la crise des suicides à France Telecom, l'opérateur historique à distribué presque quatre fois son résultat. En vingt ans, la part des actionnaires dans le revenu global est passé de moins de 6% en 1997 à presque 14% en 2017.
  • Le coût économique du capital constitué par l'affaiblissement de l'investissement réel - Les dividendes versés pèsent su les investissements et le capital profite trop de placements non liés à la production.
  • Le coût budgétaire des aides publiques trop lourdes pour le budget 
La propriété sur l'entreprise

L‘article 17 de Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 est ainsi rédigé : "La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité".

Le droit de propriété a fait l'objet de la dispute politique au 20ème siècle. Mais c'est moins ce droit qui pose problème que sa portée sur l'entreprise. Celle-ci ne tient pas compte de la contribution du travail aux ressources de l'entreprise.

L'entreprise capitaliste

Si le PIB ne constitue pas un indicateur de la qualité de vie des individus. Le PIB est égal à la somme des valeurs ajoutées brutes. C'est la richesse créée par les collectifs de travail chaque année.

Cette richesse produite par le travail est captée par les sociétés d'actionnaires. Chacune de ces sociétés décide de son usage et en confit l'utilisation à un PDG mené à la carotte (salaires exorbitants) et au bâton (siège éjectable en permanence) pour servir ses intérêts :
  • en salaires, le net à chaque salarié et les cotisations aux organismes sociaux, est resté stable au 2/3 depuis le milieu des années 1980;
  • en profits, les amortissements pour réparer les actifs (bâtiments, machines, trésorerie, etc.), le résultat financier pour rembourser les avances consenties par les banques après analyse du modèle économique de l'entreprise, etc. est resté donc aussi stable au tiers depuis le milieu des années 1980.
Le résultat peut être négatif (déficit) ou positif (bénéfice). L'éventuel bénéfice est partagé entre l'entreprise (mise en fonds propres), les actionnaires (distribution de dividendes) et les salariés (distributions de primes). L'éventuel déficit est comblé par une augmentation de capital social (les actions au prix de la création de la société et les divers augmentations de capital) ou par une avance des banques selon leur confiance qu'elles accordent au modèle économique.

Les actionnaires peuvent vendre leur portefeuille. Quand une entreprise subit une OPA, elle court le plus grands des dangers, même si ses exercices sont bénéficiaires (En guerre). Quand le capital social est vendu, c'est toute l'entreprise qui change de main.

L'entreprise bien commun capital-travail

La valeur ajoutée appartient aux collectifs de travail qui la produisent. Chacun d'eux fournit les profits à l'entreprise. Cette contribution justifie la propriété d'usage dont doit disposer le collectif de travail en proportion de son poids dans les ressources. Cela ne se fera pas avec une simple admission de ses représentants au sein de la conseils d'administrations (objet de la société d'actionnaires), mais au sein d'un conseil d'entreprise réunissant la société d'actionnaires et le collectif de travail en proportion de leur contribution aux ressources.

L'entreprise est donc un bien commun à la société d'actionnaires et au collectif de travail. Elle doit être dotée d'un statut juridique qui l'émancipe de la société d'actionnaires. Les fonctions du PDG doivent être démantelées et confiées d'une part au président représentant les intérêts de la société d'actionnaires et d'autre part au directeur général représentant la conduite du projet d'entreprise, raison d'être du collectif de travail.

La contribution du capital (le capital social) représente, en moyenne, moins du tiers des ressources de l'entreprise, le reste est apporté par le travail aux travers des profits produits au fil des exercices.

On distingue donc une propriété financière des actionnaires sur le capital social dont chacun d'eux peut se prévaloir tant qu'il n'a pas vendu son portefeuille et une propriété d'usage des salariés dont chacun d'eux peut se prévaloir que tant qu'il participe au collectif de travail.

Les pouvoirs que les actionnaires retirent de leur propriété est proportionnelle à leur portefeuille d'actions. Les pouvoirs que les salariés en retirent valent une voix sur le nombre de salariés du collectif de travail. Dans le conseil d'entreprise la représentation des actionnaires doit être proportionnelle au poids du capital social, celle des collectifs de travail doit correspondre aux ressources hors fonds propres, les fonds propres hors capital social ne n'intervenant pas dans le pouvoir d'une partie constituante en particulier.

Le débat politique

L'alternative politique du 21ème siècle ne porte pas sur la propriété du capital social, mais sur la propriété des profits et le pouvoir des salariés dans l'entreprise. Cette alternative permet de définir précisément la droite et la gauche:
  • La droite défend la vision des actionnaires et milite pour une propriété des profits attribuée à la société d'actionnaires, pour une disparition du code du travail, mais aussi des deux autres piliers de l'Etat social, à savoir la sécurité sociale et le service public non régalien.
  • La gauche milite pour une définition juridique de l'entreprise qui attribue à la société d'actionnaires et au collectif de travail des pouvoirs qui reconnaissent leur contribution respective aux ressources et pour défendre la vision originelle des trois piliers de l'Etat social mis en place à la fin de la deuxième guerre mondiale: un droit du travail indépendant du droit civil, une sécurité sociale indépendante de l'Etat et un service public élargi aux questions économiques et sociales pour assurer la réponse aux besoins essentiels de chacun sur tous les territoires.
Cette alternative efface l’ambiguïté produite par la "gauche de gouvernement" soumise à la tempête néolibérale qui a soufflé sur la planète depuis les années 1980. L'urgence sociale constitue toujours la raison d'être de la gauche. Mais le développement de l'Humanité a eu un impact important sur le climat qui constitue une urgence à laquelle la gauche doit apporter une réponse.

Les revendications syndicales

Les organisations syndicales garde leur rôle revendicatif dans ce modèle de société alimenté par le modèle économique construit sur l'entreprise bien commun et organisé par un Etat social robuste sur ses trois piliers (droit social, sécurité sociale et service public) ou les secteurs sont confiés au marché que s'il est capable de répondre aux besoins et où la chose publique est le plus possible décentralisée et d'un accès facile pour chacun sur tout le territoire.

Mais, dès maintenant, les revendications doivent ne pas se limiter au pouvoir d'achat ou aux conditions de travail. Elles doivent revendiquer plus que la simple participation aux conseils d'administration la propriété d'usage sur les ressources que leur travail alimente.