14 févr. 2019

La valeur du travail, réponse à la révolte dite "des gilets jaunes"

La réponse du gouvernement à la révolte est violente avec une stratégie de confrontation de la police confiée à des unités dont le contrôle des manifestations n'est pas le métier. Les dégâts humains sont énormes chez les apprentis manifestants. Mais depuis la loi travail, même les manifestants syndicaux qui ont de l'expérience et collaborent avec les préfectures les subissent. Le libéralisme est devenu autoritaire.
La valeur travail fait consensus? La meilleure réponse à la révolte est de soigner le travail, d'en reconnaître la véritable valeur.

La révolution française s'est construite sur la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen. Pour que l'Homme ait des droits, il faut qu'il soit Citoyen.

La majorité de nos concitoyens ne peuvent pas exercer leurs droits faute de disposer des moyens de vivre décemment, au niveau du développement économique du pays et de disposer de l'oisiveté suffisante pour se cultiver, accompagner ses enfants, ses parents, participer à la vie publique comme il le souhaite.

Grâce à la mise en place de la politique du conseil national de la résistance, la République a fait des progrès que nous, notre génération, avons laissé filer, laissant nos enfants dans le vide de l'individualisme. Le marché ne tisse pas des droits, il ne fait que régler des rapports de force comme le faisait le duel de l'ancien régime. Avec le marché du travail, il dresse chacun contre les autres.

Reconnaître la valeur du travail.

Lors du grand débat chez Hanouna, personne n'a contredit Blanquer quand il a affirmé qu'il y avait consensus sur la valeur travail. À gauche en particulier, nous affirmons que c'est le travail qui produit la valeur ajoutée. Mais, curieusement, nous ne prêtons pas plus qu'une valeur locative à ce travail, ce que bétonne la droite pour protéger le pouvoir des siens sur l'entreprise.

La gauche doit affirmer fort que ce sont les collectifs de travail qui produisent la valeur ajoutée dans les entreprises et qu'ils contribuent aux ressources de l'entreprise avec la partie qu'ils investissent dans l'entreprise: le profit.

L'apport des parties constituantes (société d'actionnaires et collectif de travail) aux ressources de l'entreprise.

La société d'actionnaires (l'entrepreneur) apporte en moyenne moins d'un tiers des ressources de l'entreprise. Le collectif de travail apporte, au fil des exercices, les deux tiers des ressources qui sont avancées par les banques sur la base du modèle économique, c'est à dire sur la capacité du collectif de travail à dégager les ressources avancées dans le temps prévu. La société d'actionnaires est propriétaire du capital social, mais la propriété d'usage sur le reste des ressources doit être reconnue au collectif de travail. Un nouveau statut de l'entreprise distinct de la société d'actionnaires doit être créé.

La question de l'alternative propriété privée / publique des moyens de production a produit tant de malheur tout au long du 20ième siècle que la gauche a cessé de l'interroger. En respectant la propriété de la société d'actionnaires sur le capital social, il est temps de reconnaître la propriété d'usage du collectif de travail sur le reste des ressources.

Faire de l'entreprise un bien commun à ses parties constituantes, protège contre des choix trop centralisés, étatiques et bureaucratiques, mais aussi des choix financiers qui sacrifient des entreprises qui répondent aux besoins dans des conditions économiques durables.

Mutualiser la collecte et la distribution des salaires

Les gilets jaunes manifestent deux problèmes: l’insuffisance des salaires de la moitié des Français et l’insurmontable difficulté de nombreuses entreprises qui n'arrivent pas à dégager suffisamment de profit pour conforter leurs ressources. Le seul moyen de résoudre ces problèmes est de mutualiser la collecte et la distribution des salaires. C'est un choix fort de société que la gauche doit porter.

PIB 2017
La moitié des salariés français touchent touchent moins de 1800€ net et la moitié des entreprises dégagent moins du quart de leur valeur ajoutée en profit. Le PIB France* est de 2 292 Md€ et produit donc 1 528 Md€ de salaires et 764 Md€ de profits.

La sécurité sociale est apparue inutile à ceux qui disposaient de bonnes mutuelles, mais sa mise en place avec une collecte universelle a produit un énorme progrès socio-économique. Les imperfections d'aujourd'hui, inégalités de couverture et insuffisance de la collecte viennent des refus de participer lors de la mise en place et des réformes dites de compétitivité instituant des exonérations.

Une collecte des salaires par cotisation des deux tiers de la valeur ajoutée permet de garantir à chaque entreprise un taux de profit d'un tiers et de sortir les niveaux des salaires de la concurrence dans lesquelles les placent la concurrence entre salariés et qui produit l'inégalité insupportable et insupportée qu'exprime la révolte des gilets jaunes.

La question de la distribution des salaires se pose alors. Comment distribuer 1 528 Md€ entre les Français, qu'ils travaillent ou non, mineurs, retraités, etc.?

  • La République a institué des indemnités de mandat comme celles de maire, de député, de sénateur ou de président de la République aux niveaux les plus divers avec des cumuls éventuels. Il serait plus efficace de concevoir un mandat de citoyen rémunéré au niveau nécessaire pour participer au développement économique du pays, à savoir 1 800€ brut par mois;
  • Les hauts et très-hauts salaires ont un impact confiscatoires sur les autres salaires qui produit l'insuffisance de la moitié des salaires et ne permet pas de reconnaître les qualifications et la carrière de la majorité des salariés. Les salaires doivent rémunérer les moyens mis à disposition par les salariés sur cinq niveaux de qualifications séparés entre eux de 20% du précédent et construits sur le principe d'une carrière pleine qui double le salaire initial pour chaque niveau de qualification**;
  • L'accompagnement de chaque enfant doit pouvoir disposer d'un budget mensuel de 500€ brut de leur naissance à leur majorité;
  • Après 60 ans, quiconque le veut peut continuer à travailler et toucher 75% du salaire qu'il touchait.

La distribution des salaires - rémunération des moyens mis par les citoyens pour assumer leur mandat de citoyen, employer leur qualification et développer leur carrière, occuper librement leur oisiveté de retraité - pour un budget de 1 528 Md€ est la suivante:


Les salaires des citoyens employés sont les suivants:

Salaires des citoyens employés
Cette distribution des salaires rémunérant les moyens apportés par les citoyens ne change pas la compétitivité globale de l'économie française et la collecte par cotisation sur la valeur ajoutée améliore celle de la moitié des entreprises.

Gratifier les premiers de cordée.

La valeur ajoutée n'est pas la seule source de revenu individuel. En fin d'exercice, l'entreprise dégage un résultat, bénéfice ou déficit.

Une entreprise ne peut continuer à vivre dans le déficit et son gouvernement doit prendre les décisions qui conviennent, reconversion ou disparition. Quant au bénéfice, il doit conforter les ressources, gratifier les salariés pour leur fonction particulière et leur engagement et rémunérer les actionnaires selon leur portefeuille. Bien sûr, un actionnaire peut très bien travailler et même diriger l'entreprise. Mais un salarié de la société d'actionnaire (le président) ne peut être chargé de la direction générale.

La rémunération des premiers de cordée est soumise à obligation de résultat et issue du bénéfice: primes pour les salariés, dividendes pour les actionnaires. Le principe des trois tiers selon lequel pourrait être partagé les bénéfice (mise en ressources, primes et dividendes) manifeste le caractère "bien commun" de l'entreprise entre société d'actionnaires et collectif de travail.

Assurer la protection sociale.

Avec ce système de distribution des salaires, plus de risque chômage, à la perte de son emploi, un salarié garde son dernier salaire jusqu'à son nouvel emploi ou une pension de 75% de son dernier salaire après 61 ans, plus de risque vieillesse non plus.

Les dépenses de maladies en France représentent 12% du PIB. Une cotisation de 12% sur chaque salaire et une cotisation de 12% de cotisation sur les profits permettent de collecter ce dont la sécurité sociale a besoin pour couvrir toutes les dépenses de santé. Il faut intégrer les dépenses liées à la dépendance dans les dépenses de santé et promouvoir une politique préventive au lieu de contraindre les dépenses.

Les salaires et les profits sont bruts, ils contribuent aux charges de santé au niveau des dépenses, pas de dette sociale.

Donner les moyens d'agir à l'Etat.

Plus de redistribution pour "secourir les pauvres" qui stigmatise certaines populations, plus d'"aide à l'emploi" qui coûte un "pognon de dingue" dans la plus grande opacité sans aucune efficacité (trente années d'expérience), l'Etat peut se concentrer sur  le développement des infrastructures et des services publics, la présence territoriale, l'animation économique, le développement des qualifications, la transition écologique, la présence internationale.

Cette activité est financée par l'impôt, la dépense en fixant le niveau. L'impôt sur le revenu est progressif sur les revenus individuels (salaire, primes et dividendes) et sur la mise en ressources des bénéfices de façon à ce que la collecte corresponde aux dépenses. Cet impôt sur le revenu est complété par un impôt sur le patrimoine, lui aussi progressif à partir du patrimoine médian.

L'Etat est aussi capable d'anticiper le retour financier de certains grands projets et peut souscrire une dette pour chacun de ces projets.

Chacun participe à l'action de l'Etat en fonction de ses revenus et de son patrimoine.

Clarifier la propriété des moyens de production

Le consensus sur la valeur travail doit évoluer vers un consensus qui reconnaisse la contribution du collectif de travail aux ressources de l'entreprise. Si la société d'actionnaires est propriétaire du capital social, c'est le collectif de travail qui produit la valeur ajoutée, donc le profit qui permet de réparer les actifs et rembourser les avances des banques.

La propriété de la société d'actionnaires sur le capital social es complète et cessible, la propriété du collectif de travail sur le reste des ressources est d'usage, comme celle commune à la société d'actionnaires et au collectif de travail sur les fonds propres autres que le capital social.

Relire Keynes

En 1930, J. M. Keynes publie "Lettre à nos petits-enfants" dans lequel il propose une réflexion prospective et philosophique sur le devenir du capitalisme. Il y défend l'idée de la fin d'une société gouvernée par l'économie (et de la "science" économique), qui aura alors fini de jouer son rôle, ainsi que l'avènement d'une société de l'abondance et de l'oisiveté.

Il exhorte ses descendants à ne pas oublier les priorités humaines essentielles. Et les économistes, tout comme les sociologues ou les philosophes, à toujours s'interroger sur l'avenir des générations futures sans sombrer dans le pessimisme ambiant. Un texte toujours très actuel qui démontre la stupéfiante clairvoyance de Keynes.

La "science" économique fait de la résistance. Il est temps de s'en libérer et de sortir du malthusianisme dans lequel non enferme le libéralisme autoritaire.
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* INSEE. (2018, mai 30). Les comptes de la Nation en 2017.
Récupéré sur insee.fr: https://www.insee.fr/fr/statistiques/3550563
** CGT. (2018, août 9). Repères revendicatifs.