28 nov. 2018

Repenser l’appareil productif

"Quelle vision du système productif porte aujourd’hui la gauche ?" se demande Olivier Passet pour Xerfi Canal. Les débats autour des gilets jaunes, la réaction d'Emmanuel Macron, les interventions de Nicolas Hulot et d'Alain Lipietz qui ramène les écologiste dans la gauche et la crise qui frappe celle-ci sont une opportunité pour relever les défis dans une démarche de développement durable économique, social et écologique.

Quelle vision du système productif porte aujourd’hui la gauche ? Je parle ici d’une déclinaison qui va du centre gauche, jusqu’aux insoumis et au parti communiste. Sans ignorer les nombreuses lignes de fractures et de dosages entre ces gauches, elles ont néanmoins des points communs : toutes peuvent encore se revendiquer de Jaurès, figure de ralliement du socialisme démocratique. [...]


Poussé par les gilets jaunes, Emmanuel Macron a répondu aux gilets jaunes : "fin du monde ou fin du mois, nous allons traiter les deux.". En démissionnant du gouvernement, Nicolas Hulot a affirmé: "Il faut combiner les problèmes de fin de mois avec les problèmes de fin du monde.".

L'acceptation de l'impôt est de moins en moins grande et les entreprises alertent sur leur compétitivité: "Le mouvement de protestation des gilets jaunes ne doit pas pénaliser l’activité économique de la France." affirme le Medef.

La fiscalité est trop opaque pour donner confiance.

Olivier Passet pour Xerfi Canal a vu la poudrière du ras-le-bol fiscal dans le mouvement des gilets jaunes. Ce ras-le-bol voue à l'échec toute redistribution fiscale des revenus qui alourdit le déficit public sans satisfaire les bénéficiaires théoriques. Il faut travailler sur la distribution directe pour résoudre la pauvreté dans laquelle la moitié des Français est emprisonnée, en-dessous des 1800€ mensuels de salaire.

Il faut augmenter les salaires.

1800 € par mois, c'est le salaire brut revendiqué comme minimum par la CGT (repères revendicatifs).

Aujourd'hui, la moitié des salariés français ne participent donc pas au développement économique de la Nation. La révolte gronde et il faut de l'intelligence sociale pour éviter les périls populistes.

Mais les entreprises crient à la sauvegarde de la compétitivité.

Les salaires pèsent de façon très différente sur les entreprises.

Les tenants des politiques de limitation des salaires argumentent leur conviction en mettant en avant la compétitivité. Mais, pour un poids des salaires des 2/3 des valeurs ajoutées en moyenne, cette moyenne cache une diversité très grande:
  • la moitié des entreprises versent plus de 73%, alors que 25% versent moins de 44%
  • selon la taille de l’entreprise
  • Le quart des grandes entreprises versent 34% de leur VA en salaires, le quart des PME versent plus de 88%;
  • selon le secteur professionnel
  • La construction verse 81% de sa VA en salaires alors que les activités immobilières en versent seulement 31% en moyenne.
En égalisant le poids des salaires par une dette sociale des 2/3 de la valeur ajoutée sur chaque entreprise, on résout le problème de compétitivité pour la moitié des entreprises et le secteur du bâtiment.

La cotisation sur la valeur ajoutée d'une dette sociale pour toute les entreprises apparaît donc comme la solution qui baisse la pression salariale pour la moitié des entreprises et l'augmente pour un quart d'entre elles. La gestion de leur compétitivité de celles qui œuvrent dans des secteurs exigeant une alimentation en capital non soutenable avec une pression salariale de 2/3 doit être prise en main par l'Etat comme sujet de politique industrielle.

Une réforme systémique est nécessaire.

C'est le travail qui crée la richesse. Le capital puise sur l'épargne d'une partie de cette richesse créée chaque année. Le PIB de la France, somme des valeurs ajoutées, est de 2 229 Md€ en 2017 a été multiplié par dix en 45 ans (années de travail des nouveaux retraités).

La crise? Elle est où la crise?
Depuis le milieu des années 1980, le partage salaires-profits est stable (2/3-1/3). Le salaire est le produit de la location de sa force de travail. Le "marché du travail" tel qu'il est produit en France une distribution des salaires très inégale, une exclusion d'un dixième des travailleurs dans le chômage, de mauvaises conditions de travail qui produisent des maladies psycho-sociales et des traumatismes musculo-squelettiques. il faut changer la vision du travail, en faire l'investissement du collectif de travail dans les ressources de l'entreprise..

Le collectif de travail apporte en moyenne un tiers de la valeur ajoutée à l'entreprise permettant de réparer les actifs (amortissements), de rembourser l'échéance des crédits avancés par les banques, de supporter les éventuels retards de paiement des clients et dégage le résultat. Si ce résultat doit rémunérer l'apport en capital des actionnaires de la société d'actionnaires (dividendes), il doit aussi contribuer à la croissance des ressources de l'entreprise et rémunérer l'engagement des salariés (primes): les trois tiers.

Il y a deux sources de rémunération qui rémunèrent deux obligations: une obligation de moyens, (salaires et frais bancaires) et une obligation de résultat (dividendes et les primes).

Les salaires doivent assurer le revenu universel qui permet à chaque adulte de participer au développement économique du pays (1800€ brut par mois), une allocation enfant de 500€ par mois, une rémunération de la qualification (cinq niveaux séparés d'un gap de 20% ) et du travail (carrière complète de 18 à 60 ans doublant le salaire initial, ainsi qu'un taux de remplacement de 75% du dernier salaire par la pension. La part salarial du PIB de 2017 permet ce partage des salaires avec une rémunération de 1 à 10 du travail employé soit, pour les plus de 18 ans en formation, en emploi ou à la retraite, revenu universel compris:
Rémunération pour les plus de 18 ans
en formation, en emploi ou à la retraite,
revenu universel compris
Aujourd'hui, moins de 2% des salariés français gagne plus que ce maximum. Bien sûr le PDG ne doivent pas toucher les salaires salaires mirobolants dont ils bénéficient aujourd'hui. leurs revenus ne doivent pas peser sur la valeur ajoutée de l'entreprise, mais sur la part de la société d'actionnaires sur le résultat de l'exercice.

Un nouveau statut de l'entreprise distinct de celui de la société anonyme doit porter le partage du résultat en trois parts égales pour conforter les ressources et gratifier l'engagement des salariés. La gouvernance doit aussi reconnaitre la valeur du travail et l'engagement des salariés traités comme copropriétaire de l'entreprise au sein du collectif de travail.

Un changement de modèle énergétique répondant au défi climatique serait accepté.

"On ne peut pas faire d’écologie sans lutter contre les inégalités sociales." affirme Alain Lipietz (Ancien député européen, écologiste, économiste ) à la madinale de Regards. La conférence de Rio donna un sens à la notion de développement durable jusqu’à présent vague. Elle exprime que la réponse au défi climatique ne saurait se faire sans l'économique ni le social.

Bonus

Le site Arrêt sur Images (9€ par mois) a organisé un débat sur les gilets jaunes. Ici un extrait sur l'historique de ces "débordements".


On a là une mine pour renouveler le discours économique, social et environnemental.