24 avr. 2017

Le progrès social, c'est possible dès maintenant.

L’entreprise est bridée par le code Napoléon qui limite sa mission à produire du bénéfice et par sa gestion financière qui l’empêche de se développer. L’obsession de la compétitivité et de la réduction des coûts sont naturalisées après 25 ans de réforme des retraites et d’exonération de charges, 35 ans de financiarisation de l’économie et de désindustrialisation. L’austérité semble le seul chemin vers l’avenir ; les réformes rétrogrades apparaissent tellement inévitables qu’elles ne déclenchent plus de contestation. Pourtant, le possible est plus ouvert qu’il ne semble, nous l’allons démontrer.

La part des salaires dans les valeurs ajoutées des entreprises diminue et la France perd son industrie.
Le Medef affirme que la masse salariale est trop importante et qu’il faut continuer « la modération salariale et les exonérations de cotisation sociale ». Le rapport du comité de suivi du CICE  montre pourtant que cette aide de l’État contribue bien à l’augmentation des marges, mais absolument pas à l’emploi et au développement des entreprises.

Aux rencontres d’Options du 30 mars 2017, Laurent Cordonnier  a montré combien le champ des possibles est réduit par le coût du capital. La CGT adhère aux conclusions du rapport du Clersé Université Lille 1 « Le coût du capital et son surcoût » et propose :
  • Le nouveau statut du travail salarié pour combattre les inégalités d’accès aux droits sociaux et gagner de nouveaux droits.
  • Le nouveau statut de l’entreprise pour combattre la confiscation des bénéfices et sécuriser le développement des entreprises.

Le nouveau statut du travail salarié

Pour le salarié, le travail est un moyen de subsistance, un moyen de produire du lien social, un moyen d’évolution, un moyen d’exister. Pour l’employeur, ce n’est qu’un coût qu’il faut réduire.

La part des salariés parmi les actifs est d’autant plus grande que l’économie du pays est avancée. Mais, depuis la création du statut d’autoentrepreneur et le développement des emplois de plate-formes (Uber), le nombre des indépendants croît plus vite que le nombre de salariés.

Le développement de l’emploi précaire multiplie les situations de privation d’emploi. Les parcours professionnels sont de plus en plus aléatoires et le lien à l’emploi des droits sociaux réduit le niveau de la couverture des risques sociaux (chômage, maladie, vieillesse) de plus en plus de personnes ou les en prive. Toute perspective de développement de carrière devient aléatoire et les systèmes de retraite sont fragilisés.


Au lieu d’attacher les droits à l’emploi, le nouveau statut du travail salarié attache les droits sociaux à la personne tout au long de sa vie : droit à l’emploi, droit à la vie privée, droit à la reconnaissance des qualifications, droit à un carrière, droit à la formation professionnelle, droit à la santé, droit à la retraite, droit à la culture et aux loisirs, droit à la sécurité sociale professionnelle, droit à la démocratie sociale. L’emploi est un CDI à temps plein ou à statut et déploie une carrière qui double le salaire au moins au cours de la vie professionnelle.

La subordination dans laquelle se trouve le salarié vis-à-vis de son employeur justifie l’existence d’un droit particulier (le code du travail) pour contrôler la relation qui les lie. Le code du commerce est incapable de constituer un cadre satisfaisant pour le travail.

Le développement de l’autoentreprise ou du travail de plateforme s’appuie sur l’illusion de l’indépendance que semblent mettre en œuvre ces statuts. La concurrence dans laquelle les donneurs d’ordre placent leurs prestataires et le caractère léonin des contrats multiplient aujourd’hui les requalifications des contrats de prestation en contrats de travail avec rappel de cotisations sociales.

Les salaires, les pensions

La cible des propositions de la CGT en matière de salaire doit-elle se limiter aux adultes qui passent ou souhaitent passer par un emploi salarié, ou s’étendre à tout adulte de plus de 18 ans ? Cette population d’adultes de plus de 18 ans compte 52 M de personnes parmi lesquels, 36 M de moins de 60 ans et 16 M de plus de 60 ans. Sans préjuger de la réponse, la réflexion sur le salaire peut être construite sur la population entière des adultes de plus de 18 ans ; cela présente l’avantage de supprimer les risques chômage et vieillesse.


L’organisation sociale doit encourager ses citoyens à acquérir la qualification la plus élevée et à mettre cette qualification au service d’un projet de développement économique et social (emploi). Comme le propose la CGT, il serait institué un gap entre deux niveaux de qualification de 20% (encouragement à la qualification) et un doublement du salaire pour une carrière complète (encouragement à la recherche d’emploi).

Les deux-tiers du PIB alimentent les salaires. En 2015, le PIB France  dégage 1 454 Md€ de salaires.
La répartition de ces salaires selon la seule qualification serait la suivante :

Le débat sur la proposition du revenu de base a révélé combien la distribution des salaires est attachée au travail. Toute proposition doit intégrer un dispositif de mise au travail.

L’INSEE répartit la population française en cinq niveaux de qualification selon la répartition 32%, 24%, 17%, 15%, 12%. L’INED chiffre la population française à 64 M de personnes, 52 M d’adultes de plus de 18 ans et 16 M de plus de 60 ans.

Dans l’hypothèse d’une répartition égale des qualifications entre les âges et de l’intégration d’une carrière complète qui double le salaire entre 18 et 60 ans, la répartition des deux-tiers du PIB produirait pour chaque adulte de plus de 18 ans le salaire suivant :


Les parcours professionnels, la formation

Tout au long de la vie, il est possible d’augmenter sa qualification : la formation initiale, la formation continue à tout âge, la validation des acquis de l’expérience (VAE) qui permet de déterminer les formations nécessaires pour acquérir une qualification donnée en prenant en compte l’expérience acquise dans l’emploi. À partir de 18 ans, suivre une formation permettrait de progresser dans la carrière comme l’emploi.

Tous les parcours de vie sont possibles :
  • Une simple carrière salariée – la vie de la plupart des salariés qui font bien leur travail, en retirent de la satisfaction et de la fierté, mais centrent leur vie ailleurs, au sein de leur famille ou leurs amis…
  • Une vie de bohème – ne pas travailler, se consacrer à son art, sa passion sans avoir à rendre de compte, tout en se constituant un patrimoine artistique (œuvres vendues, droits d’auteur, etc.) sans la galère…
  • Une carrière de cadre supérieur – prendre des responsabilités dans l’entreprise, être reconnu pour son implication, reconnaissance constituant investissement dans l’actif humain liée à la fonction (expertise, conduite d’équipes, direction, etc.), moyen d’augmenter ses revenus en restant salariés…
  • Une vie d’entrepreneur – construire une entreprise, mener un projet sans mettre en péril la vie de sa famille, inventer simplement…
  • Une vie de rentier – vivre de son héritage, le voir fondre à mesure que les actifs sociaux se développent…

La santé

La maladie est le seul risque qui n’est pas couvert par le salaire universel à vie. Il faut donc financer la dépense santé qui se monte actuellement à 257 Md€. En suivant le principe d’une cotisation doublée des revenus collectifs (mises en ressources d’entreprise ou revenu des sociétés d’actionnaires) par rapport à la cotisation des salaires individuels, un taux de 9% sur les salaires individuels, de 18% sur les salaires collectifs serait suffisants.

Cette cotisation produirait les revenus citoyens nets suivants :


La contribution fiscale pour assurer les dépenses de l’État

La fiscalité a deux objets :
  • Fournir à l’État les moyens de ses politiques ;
  • Redistribuer une partie des revenus pour assurer un minimum vital à chacun.

Pour couvrir la dépense de l’État (373 Md€) et assurer un minimum de 1 000 € par mois, il faut instituer un taux d’imposition de 20% sur les revenus individuels et collectifs. Cela donne les revenus citoyens nets d’impôt suivants :


La distribution du PIB

La distribution du PIB serait alors la suivante :


Bien sûr, il est possible d’introduire de la progressivité dans le système, en particulier dans la distribution individuelle des revenus collectifs.

La dette sociale

Personne ne se fait seul. Tous nous héritons de l’histoire de l’Humanité entretenue en chacun de nous par nos parents et l’éducation nationale.

Les deux-tiers du PIB représentent la dette sociale de l’entreprise et doivent alimenter le revenu citoyen.

Depuis plus de 10 000 ans, l’Homme vit sur l’agriculture et l’invention de l’excédent utile qui permet de reproduire un cycle. Le bénéfice d’un exercice représente pour l’entreprise la part soustraite à la consommation pour le prochain cycle. C’est ce que la société d’actionnaire soustrait au développement de l’entreprise.

Le nouveau statut de l’entreprise

Le dialogue social aujourd’hui se réduit à l’opposition entre la protection des salariés soumis à la subordination dans laquelle les tient l’employeur et la recherche de compétitivité des employeurs. Cette opposition cache la problématique de la production.

Mouvement de l’entreprise de France, le Medef s’arroge le monopole du bien de l’entreprise. Or, l’entreprise - soumise à la seule volonté de la société des actionnaires dont l’objet est de « partager le bénéfice qui pourra en résulter » - n’est qu’un nœud de contrats qui externalise les parties prenantes autres que les actionnaires. Cette inexistence juridique permet à la société d’actionnaires de confisquer tout le bénéfice et de rechercher les meilleurs placements en toute infidélité à ses « partenaires »

Le développement de l’entreprise

La société d’actionnaires n’apporte que moins d’un tiers des ressources en moyenne. Elle ne peut prétendre qu’à un tiers des bénéfices. Les deux tiers restant sont apportés par les banques qui se remboursent sur le travail. Les deux tiers doivent être réparti entre salariés et entreprise : c’est le projet de la participation gaullienne.

L’Humanité n’a cessé d’inventer. Il faut encourager l’implication et l’engagement de chacun. La part des bénéfices attribués aux salariés doit être utilisée à encourager cette implication et cet engagement.

Le cercle vertueux est alimenté par les cycles produits :
  • Les ressources constituées par l’apport des sociétés d’actionnaires ou d’associés et les prêts gagés sur l’épargne – le taux d’engagement de 10 semble viable – permettent de constituer des actifs permettant la mise en œuvre du travail.
  • Ce travail permet de subvenir à la dette sociale qui assure un revenu citoyen à tout adulte de plus de 18 ans (2/3 de la valeur ajoutée répartis pour encourager qualification et travail) et qui permet de rembourser la dette et de produire l’excédent de l’exercice (du cycle).
  • La répartition de cet excédent permet de rémunérer la société d’actionnaires pour sa contribution aux ressources de l’entreprise (1/3), de gratifier les salariés pour leur engagement et leur implication (1/3) et d’alimenter les ressources de l’entreprise pour son développement (1/3).

La concurrence et le marché s’exerce sur la production et non plus sur le rendement, jamais la vente des actions de la société d’actionnaires ne perturbe le développement de l’entreprise gouvernée par ses parties prenantes internes, représentants de la société d’actionnaires, direction émanant des salariés et représentants syndicaux.

Le modèle de l’entreprise

Orange ne pourrait cotiser aux deux-tiers de sa valeur ajoutée sans mettre en péril sa contribution aux besoins de capital du secteur. Mais une réorganisation de l’architecture du secteur permettrait de financer ce besoin de financement. La mise en place du revenu citoyen et des circuits financiers nécessaires doit être accompagné d’une restructuration des secteurs.

Quoi qu’il en soit, la mise en place du nouveau statut de l’entreprise constitue la première phase qui doit assurer le développement des entreprises en affectant les deux-tiers du résultat aux ressources.

La deuxième phase viserait la restructuration des secteurs économiques pour permettre à leurs acteurs d’honorer la dette sociale, c’est-à-dire de financer le revenu citoyen.


La troisième phase pourrait être menée de front avec la seconde et consisterait à mettre en place la gratification des salariés sur un tiers des résultats pour reconnaître leur fonction d’expertise ou de conduite d’équipe, leur implication dans le projet commun.