10 juin 2015

L'entreprise est un bien commun.

"Le résultat généré par l'entreprise appartient à l'actionnaire. C'est naturel." nous dit n'importe quel professeur de comptabilité. Non. Si le capital est nécessaire pour créer l'activité, il perd sa valeur sans le travail qui permet tout simplement de vivre.

L'entreprise a besoin de ressources pour les employer à mettre en œuvre le travail nécessaire à son activité. Celles qui sont apportées par les associés ou les actionnaires qui constituent la société commerciale ne suffisent pas. Elles doivent être complétées par des emprunts et alimentées au fur et à mesure des exercices successifs par les réserves constituées à partir des résultats de chaque exercices.

Dans la constitution des ressources de l'entreprise, la société commerciale intervient de deux manières:
  • elle apporte du capital;
  • elle s'engage comme caution pour les prêts obtenus auprès des institutions financières ou des particuliers qui répondent à leur appel de fonds.
Pour cette contribution, la société commerciale doit être rémunérée, les associés ou les actionnaires se partageant cette rémunération en fonction du poids de leur participation.

A la suite d'un exercice, se pose la question de la répartition du résultat net. Actuellement, ce résultat est considéré comme la propriété de la société commerciale. Celle-ci n'a portant contribué directement qu'à une part des ressources de l'entreprise: capital / bilan = K. La clef de répartition K est bien sûr inférieur à 1. Il serait donc tout à fait légitime de limiter les dividendes à résultat x K.
Le reste du résultat net est mis en réserve pour alimenter les capitaux propres de l'entreprise pour assoir sa pérennité au travers de ressources propres plus importantes: résultat x (1-K).

Mais cette rémunération n'est pas la seule pour la société commerciale. Elle a fourni caution auprès des prêteurs. Dans l'exercice, l'entreprise rembourse capital et intérêt des prêts obtenus. La caution constitue une charge liée au remboursement effectué dans l'exercice.

Un décret du 2 octobre 2014 précise la méthode de fixation, à partir de 2015, du taux de l’intérêt légal.
Une ordonnance du 20 août 2014 avait prévu (http://www.service-public.fr):
  • la fixation de 2 taux différents selon que le créancier (celui à qui l’argent est dû) est un particulier ou non,
  • une actualisation du taux une fois par semestre, et non plus annuellement, afin de refléter au mieux les fluctuations de l’activité économique.
Chacun de ces 2 taux sera la somme du taux directeur de la Banque centrale européenne (BCE) et d’une partie de la différence entre ce taux et un taux de refinancement représentatif de la catégorie considérée : crédits à la consommation pour les particuliers ou crédits aux sociétés non financières pour les autres cas, principalement les entreprises. La formule précise de calcul est détaillée dans le décret.
Le taux C de caution pour les professionnels est en dessous de 1%, 0,96% en 2015.

Cette caution peut être rémunérée à chaque exercice comme suit: coût financier x C.

Pour résumer, la société commerciale prend sa part dans le résultat net, ainsi que le revenu de sa caution au taux légal de l'exercice qui s'ajoute aux charges.

Pour évaluer l'intérêt de cette nouvelle interprétation des comptes, examinons une étude de cas: le cas Orange SA entre 2007 et 2014.

Orange SA (sources: documents de références)
Depuis 2007, la société anonyme Orange SA a perçu plus de 29 772 M€, alors que l'entreprise Orange a généré 27 806 M€. Cette rémunération a coûté 12 197 M€ à l'entreprise, alors que le respect des principes proposés ici auraient augmenté les ressources propres de l'entreprise de 7 868 M€ en 7 ans.

Les ressources de l'entreprise Orange toute chose égale par ailleurs.
Le Medef crie à la baisse des charges au nom de l'entreprise. On vient de voir que le problème de l'entreprise aujourd'hui, c'est le poids de la rémunération de la société commerciale. La réforme n'est pas là où on le dit à longueur de journal télévisé ou de colonne de presse. C'est une question de juste prix.

Avec les baisses de cotisations sociales remplacées par l'impôt, avec les déplacements de dépenses publiques des foyers vers les entreprises, avec l'austérité des politiques publiques, les salariés ont largement contribué à accompagner le développement des entreprises. On l'a vu, les sociétés commerciales comme Orange SA, comme la plupart des grands groupes ont largement profité des entreprises qu'elles étaient sensées alimenter en capital.

Cette abus de pouvoir construit sur une interprétation abusive de la comptabilité rend inefficaces les efforts de la Nation. Le capital en détourne les fruits. Il est temps de produire un statut juridique de l'entreprise qui l'émancipe de la société commerciale, qui lui donne pleinement son caractère de bien commun dont chacun ne retire pas plus que ce que sa contribution lui permet de réclamer.